Les friches portuaires à Nantes et à Bordeaux
DEUXIÈME PARTIE : Le mécanisme de réaménagement - vers une disparition des friches portuaires
2.2. Propositions et réflexions
"En elle (la friche), l'homme n'est pas encore et n'est déjà plus ou, s'il est, n'est que suspend, retenue du souffle, imminence..." (L. BOURG Friches)
La période de prise en compte ne se traduit pas seulement par des conflits et des incertitudes mais aussi par une réflexion sur le devenir des friches portuaires, qui donne naissance à des projets (cf. Annexes n°1 et 2). Le temps de réponse dépend beaucoup de l'analyse des espaces et de ce qu'on propose d'en faire. Les alternatives sont nombreuses mais elles doivent respecter des moyens financiers, des modalités juridiques mais surtout la spécificité des espaces. Les réflexions doivent être imaginatives pour ne pas tomber dans des schémas trop classiques. Des erreurs d'appréciations ou des propositions trop ambitieuses retardent généralement les décisions. Cette réflexion doit servir de support pour l'intervention. La plupart des projets et des études n'ont pas de suite. Certains sont du domaine du "délire". Mais, la plus grande palette possible permet de faire des choix et de voir l'absurdité ou l'intelligence de tel point, de telle possibilité.
Les projets sont généralement suscités par les pouvoirs municipaux. Dans la majorité des cas, ce sont eux qui sont le plus confrontés aux désagréments des friches et qui veulent récupérer ces espaces. L’État a tendance à se désengager de plus en plus, le port focalise sur les sites en aval, et a peu les moyens d'éparpiller ses investissements. Généralement, la ville doit faire face seule à la nécessité de redévelopper ces espaces et recherche "le projet" qui arriverait à résoudre un tel problème.
La période de prise en compte ne se traduit pas seulement par des conflits et des incertitudes mais aussi par une réflexion sur le devenir des friches portuaires, qui donne naissance à des projets (cf. Annexes n°1 et 2). Le temps de réponse dépend beaucoup de l'analyse des espaces et de ce qu'on propose d'en faire. Les alternatives sont nombreuses mais elles doivent respecter des moyens financiers, des modalités juridiques mais surtout la spécificité des espaces. Les réflexions doivent être imaginatives pour ne pas tomber dans des schémas trop classiques. Des erreurs d'appréciations ou des propositions trop ambitieuses retardent généralement les décisions. Cette réflexion doit servir de support pour l'intervention. La plupart des projets et des études n'ont pas de suite. Certains sont du domaine du "délire". Mais, la plus grande palette possible permet de faire des choix et de voir l'absurdité ou l'intelligence de tel point, de telle possibilité.
Les projets sont généralement suscités par les pouvoirs municipaux. Dans la majorité des cas, ce sont eux qui sont le plus confrontés aux désagréments des friches et qui veulent récupérer ces espaces. L’État a tendance à se désengager de plus en plus, le port focalise sur les sites en aval, et a peu les moyens d'éparpiller ses investissements. Généralement, la ville doit faire face seule à la nécessité de redévelopper ces espaces et recherche "le projet" qui arriverait à résoudre un tel problème.
Figure n°32 : Opinions sur les propositions de réaménagement de l'île Sainte-Anne à Nantes
2.2.1. Projets multiples de reconversion de l'espace en friche
Les projets sont généralement très importants et ambitieux, se voulant à la hauteur des lieux et voulant révolutionner la ville tout entière. Mais, ils sont trop souvent décalés des moyens financiers des municipalités. Le grand nombre de choix et de propositions permet tout de même à la ville, à travers une analyse critique, de dégager de grandes orientations possibles.
2.2.1.1. Les grands "gestes" architecturaux
Face à un problème d'une telle ampleur, les villes ont souvent fait appel à des architectes pour trouver des solutions. En effet, les friches portuaires posent des problèmes non seulement d'urbanisme mais aussi d'architecture. A Bordeaux, l'eau est un obstacle à une perspective architecturale complète, il s'agit de trouver des cohérences. Théoriquement, ces artistes sont aptes à capter le "génie des lieux", à prendre en compte le milieu naturel, les héritages et à les intégrer dans des compositions urbaines originales et articulées à la ville.
La municipalité de Bordeaux, désemparée par le réaménagement de la rive droite, a eu recours à de nombreux architectes et urbanistes, sous la forme de concours. Même si les projets se sont révélés créatifs, ils sont toujours restés au stade du dessin n'ayant pas été accompagnés d'une volonté politique forte.
> La rive droite de Ricardo BOFILL (1988)
En 1987, l'A.R.D.E.U.R. (Aménagement et Rénovation pour le Développement de L'Environnement Urbain Rive droite) voit le jour en accord avec la ville et la C.U.B. C'est une société d'étude en aménagement qui propose aussi des moyens et des structures de financement. En juin 1988, elle choisit Ricardo BOFILL, architecte d'envergure internationale, pour travailler sur la rive droite, dans une zone délimitée par l'Avenue Thiers et le prolongement du Cours du Médoc, soit une centaine d'hectares. Il est consulté en tant qu'urbaniste et pas en tant qu'architecte. Son ambition est d'en faire "un quartier central et rattaché au centre". Il imagine une symétrie avec la rive gauche, en prenant le fleuve comme axe. Il offre, avec une architecture ornementale, un répondant néoclassique aux façades du XVIIIe siècle. Les places et les blocs d'immeubles sont organisés selon une trame orthogonale axée sur l'Avenue Thiers et cassée par une diagonale qui prolonge, au-delà du fleuve, l'esplanade des Quinconces, réfléchie par une grande place en hémicycle. Les équipement culturels sont nombreux (cf. fig n°33) car ce doit être "le quartier de l'intelligence et de l'esprit". Le projet table sur la qualité de l'habitat et du cadre de vie et sur la cohabitation harmonieuse de ceux qui travaillent, résident, se cultivent et s'amusent. BOFILL veut aménager un quartier "sans ségrégation de fonctions".
Les projets sont généralement très importants et ambitieux, se voulant à la hauteur des lieux et voulant révolutionner la ville tout entière. Mais, ils sont trop souvent décalés des moyens financiers des municipalités. Le grand nombre de choix et de propositions permet tout de même à la ville, à travers une analyse critique, de dégager de grandes orientations possibles.
2.2.1.1. Les grands "gestes" architecturaux
Face à un problème d'une telle ampleur, les villes ont souvent fait appel à des architectes pour trouver des solutions. En effet, les friches portuaires posent des problèmes non seulement d'urbanisme mais aussi d'architecture. A Bordeaux, l'eau est un obstacle à une perspective architecturale complète, il s'agit de trouver des cohérences. Théoriquement, ces artistes sont aptes à capter le "génie des lieux", à prendre en compte le milieu naturel, les héritages et à les intégrer dans des compositions urbaines originales et articulées à la ville.
La municipalité de Bordeaux, désemparée par le réaménagement de la rive droite, a eu recours à de nombreux architectes et urbanistes, sous la forme de concours. Même si les projets se sont révélés créatifs, ils sont toujours restés au stade du dessin n'ayant pas été accompagnés d'une volonté politique forte.
> La rive droite de Ricardo BOFILL (1988)
En 1987, l'A.R.D.E.U.R. (Aménagement et Rénovation pour le Développement de L'Environnement Urbain Rive droite) voit le jour en accord avec la ville et la C.U.B. C'est une société d'étude en aménagement qui propose aussi des moyens et des structures de financement. En juin 1988, elle choisit Ricardo BOFILL, architecte d'envergure internationale, pour travailler sur la rive droite, dans une zone délimitée par l'Avenue Thiers et le prolongement du Cours du Médoc, soit une centaine d'hectares. Il est consulté en tant qu'urbaniste et pas en tant qu'architecte. Son ambition est d'en faire "un quartier central et rattaché au centre". Il imagine une symétrie avec la rive gauche, en prenant le fleuve comme axe. Il offre, avec une architecture ornementale, un répondant néoclassique aux façades du XVIIIe siècle. Les places et les blocs d'immeubles sont organisés selon une trame orthogonale axée sur l'Avenue Thiers et cassée par une diagonale qui prolonge, au-delà du fleuve, l'esplanade des Quinconces, réfléchie par une grande place en hémicycle. Les équipement culturels sont nombreux (cf. fig n°33) car ce doit être "le quartier de l'intelligence et de l'esprit". Le projet table sur la qualité de l'habitat et du cadre de vie et sur la cohabitation harmonieuse de ceux qui travaillent, résident, se cultivent et s'amusent. BOFILL veut aménager un quartier "sans ségrégation de fonctions".
Figure n°33 : La rive droite de Ricardo BOFILL à Bordeaux
Ce projet est gigantesque. Il tablait sur une durée de 50 ans. La première tranche de 12,5 hectares avait un chiffre d'affaires, à elle seule, de un milliard de francs. Le projet a suscité énormément de critiques. On reproche à BOFILL ses figures géométriques inlassablement répétées qui condamnent Bordeaux à un clonage sans fin. Mais surtout, l'endroit n'est pas assez pris en compte, tout le réaménagement se base sur la rive gauche, dont on essaye de calquer le schéma sans prendre en compte la spécificité des lieux (l'histoire, la présence industrielle, le fleuve). L'architecte oublie le rapport qu'entretient la ville avec le fleuve, il s'en sert comme axe de symétrie alors que sa largeur rend la Place des Quinconces peu visible depuis la rive droite. De plus, BOFILL a dressé un plan de masse assez strict, alors que son rôle était seulement de proposer un cadre souple et de grandes orientations.
Pendant un an, le projet semble retenu. Mais peu à peu face aux critiques, aux pressions et à la lourdeur d'une telle réalisation et à son succès incertain, le maire de Bordeaux, Jacques CHABAN-DELMAS commence à accuser Ricardo BOFILL de "revendre son architecture de frise et de corniche" à travers le cahier des charges de la Bastide". Le projet est jugé finalement trop "directif". Pourtant, à l'origine, le partage des rôles avait été bien balisé : à Ricardo BOFILL le tracé, aux architectes d'opération la créativité. La municipalité finalement ouvre les yeux, peut-être s'était-elle laissée séduire par un grand projet qui avait l'ambition de tout régler et qui pouvait changer la face de la ville.
> Concours Bordeaux Port de la Lune (1989)
Après les désillusions, la réflexion est relancée par le centre d'architecture "Arc-en-Rêve", dont Francine FORT, la directrice, convainc le maire d'organiser un concours sur l'aménagement des deux rives. L'approche se veut radicalement différente. On ne veut plus d'une grande architecture pour "occuper" un périmètre. Le concours met l'accent sur la notion de "concept". Les élus veulent maintenant comprendre comment les projets déclineront l'identité de leur ville et s'inscriront à l'échelle de l'agglomération.
Sept projets ont été présentés par des architectes de renommée mondiale. Ils sont extrêmement variés et restent très théoriques et conceptuels mais beaucoup d'idées neuves en ressortent. Une attention particulière est portée au culturel, à l'image et à l'identité de la ville. «Tous les projets doivent être regardés comme des révélateurs du paysage de Bordeaux. Tous prennent le port de la Lune comme unité de mesure[36]». Quelques propositions originales et créatives sont à noter (cf. Annexe n°1) :
-Promenade subaquatique d'un kilomètre de long au milieu du fleuve pour s'approprier l'élément aquatique si large qui ne permet pas d'unité entre les deux rives (ALSOP & LYALL).
-Encombrement des quais de la rive gauche par des hangars, des conteneurs habités et des complexes d'activités débordant vers l'eau pour conserver l'imaginaire portuaire. (NOUVEL & CATTANI).
-Large boucle de circulation ceinturant La Bastide de la Gare Saint-Jean au quartier du Lac, engendrant une percée à vocation tertiaire (KOOLHAASS).
-Pont-monument au caractère naval, évoquant l'activité perdue de Bordeaux (CALATRAVA).
-Jeu visuel avec d'extraordinaires "monuments-machines-sculptures-bâtiments" mobiles sur les rails des quais de la rive gauche. Un changement de décor permanent, visible à partir de la ville, suscitant de l'imaginaire et du rêve, comme l'ancienne activité portuaire (DE PORTZAMPARC).
Contrairement à BOFILL, tous insistent sur l'éloignement des deux rives. Le front de la rive gauche n'est pas conçu pour être vu depuis l'autre rive mais d'un bateau pénétrant dans le port (NOUVEL). Donc il ne peut y avoir de relation, si ce n'est virtuelle entre les deux fronts de rive. Tous ces projets ne proposent pas de solution globale, mais des idées fortes qui peuvent servir de révélateurs à une reconquête du fleuve et des deux rives.
> Visions architecturales de l'île Sainte-Anne
Les friches portuaires à Nantes ont aussi suscité des projets de remodelage architectural, mais dans une moindre mesure. La municipalité n'a pas eu recours à autant d'architectes, la plupart des idées sont apparues spontanément, sans cadre institutionnel. Les étudiants en école d'architecture ont beaucoup utilisé l'île Sainte-Anne comme support d'étude. Les plans qui en ressortent sont jeunes, créatifs mais trop souvent scolaires et théoriques (cf. Annexe n°2).
L'idée est le plus souvent de faire de l'île Sainte-Anne un quartier intégré au reste de la ville avec des habitations, des commerces et quelques points forts pour susciter de l'attraction. Il en ressort des concepts classiques d'aménagement urbain avec la constitution d'équipements dominés par le tertiaire et les loisirs (centres sportifs, restaurants...), le tout dans un environnement aquatique et verdoyant (canaux, parcs). Ces projets constituent des prolongements modernes du centre-ville dans un cadre de vie agréable. Pourtant, quelques idées audacieuses ressortent parfois comme la construction "d'immeubles-bateaux" sur les cales de lancement.
Dans l'ensemble, ces projets sont des exercices de style, où l'on calque des éléments urbains classiques, plutôt que des supports sérieux prenant en compte toutes les composantes d'un réaménagement. L'île Sainte-Anne n'a pas fait l'objet de grand concours d'architecture car l'endroit ne s'y prête pas vraiment. Contrairement à Bordeaux, l'espace est beaucoup moins vaste et les traces du passé sont nombreuses. Un remodelage architectural complet est plus difficile, l'espace étant beaucoup plus lié à la ville et les activités présentes plus nombreuses.
2.2.1.2. Implantation d'activités tertiaires publiques et privées
Plutôt qu'une refonte entière de ces espaces, les décideurs préfèrent penser à des éléments forts, à des opérations ponctuelles qui auraient un rôle de moteur et qui induirait un réaménagement global. Ainsi un grand nombre de propositions sont apparues pour créer des éléments qui pourraient susciter de l'animation, de la fréquentation, ce qui faciliterait une réappropriation progressive des lieux par la population et déclencherait d'autres opérations. Il s'agit de "réveiller" les espaces, de créer un environnement propice à de nouveaux investissements.
> Equipements publics
Les municipalités trouvent de plus en plus d'intérêt à leur fleuve et essaye de se recentrer en le prenant en compte. La construction d'équipements publics parait une bonne alternative pour reconquérir les espaces délaissés. A Nantes, cette tendance s'est déjà amorcée avec le Palais des Congrès. Mais, les espaces sont vastes et parfois éloignés. Pour provoquer de l'animation, il faut penser à soigner les articulations avec le centre existant, prévoir un environnement attractif et varié, afin que ces espaces ne deviennent pas des "cités administratives", seulement fréquentées par les employés et coupées de la ville.
- Pôle universitaire : La création d'universités est souvent mentionnée, notamment à Nantes et à Bordeaux. Cette solution parait appropriée puisqu'elle nécessite de vastes espaces et que l'animation y est immédiate. De telles implantations symbolisent le renouveau, l'avenir. Les activités de recherche associées peuvent aussi aboutir à la constitution d'un pôle technopolitain. De plus, les universités connaissent aujourd'hui un mouvement de retour vers les centres. Elles avaient tendance à se localiser en périphérie (Talence) ce qui privait le centre-ville d'une fréquentation importante, celui-ci servant juste de lieu de transit aux heures de pointe.
A Bordeaux, le projet PERRAULT prévoit une université de 23 hectares en face du Cours du Médoc, qui insufflerait de la vie à la Bastide. Mais un projet similaire est à l'étude sur des terrains plus proches du centre, à côté de la gare d'Orléans : celui d'un déménagement du groupe ESC-Bordeaux du site de Talence (1.400 étudiants), soutenu par la C.C.I. de Bordeaux. Ce projet s'inscrirait plus largement dans l'émergence d'un pôle mixte (public-privé) de 4 à 5000 étudiants qui regrouperait toutes les formations ayant à voir avec la gestion, le commerce et les affaires.
A Nantes, des projets ont été maintes fois évoqués pour l'île Sainte-Anne. Le déménagement de l'université de Droit est souhaité, en relation avec la future Cité judiciaire (cf. p:85). La création d'un pôle universitaire spécialisé en théologie et en philosophie a été proposé dans le cadre d'une "Cité de la Tolérance" (cf. p:90). L'étude PERRAULT envisage un campus à la place des emprises ferroviaires. Pour l'instant rien n'est concret mais déjà l'ancien bâtiment de Direction des chantiers navals abrite une université inter-âge, même si celle-ci est minime et a peu d'impact.
- Hôtel du Département à Bordeaux : La Gironde est une des rares collectivités départementales à ne pas disposer de locaux distincts de ceux de l'Etat. En effet, actuellement ils sont plus ou moins confondus avec la Préfecture. L'idée plane depuis longtemps d'édifier un véritable hôtel du département permettant d'abriter toutes les directions du Conseil général. Une implantation sur la rive droite permettrait d'apporter un élément de centralité, de dynamiser une rive actuellement sinistrée. Mais, cela entraînerait des coûts supplémentaires. Un bâtiment construit ex-nihilo avec son équipement est estimé à environ un milliard de francs. Il serait plus facile de le construire à Mériadeck, à un coût beaucoup moindre (300 millions de francs). Ce qui ne ferait que renforcer l'hypercentre existant et accentuer le déséquilibre.
- La Cité judiciaire à Nantes : C'est le projet qui semble le plus avancé (son emplacement est déjà prévu au P.O.S.). Ce bâtiment important (16.000 m² de surface au sol) devrait abriter le Palais de Justice et divers services judiciaires. Cette Cité a été commandée par le Ministère de la Justice et imaginée par Jean NOUVEL en bordure de fleuve, quai Fernand Crouan. Elle constituerait un ancrage dans le site et une passerelle piétonne est prévue pour la rattacher au centre. La municipalité mise sur un effet structurant pour reconquérir tout le quartier et le "raccrocher" au centre, comme elle l'a fait avec le Palais des Congrès dans le quartier de la Madeleine. Son coût est estimé à 200 M.F. et elle devrait employer à terme 250 personnes. Les travaux devaient commencer en 1996, mais pour l'instant le permis de construire en toujours en instance de jugement.
> Equipements privés
La construction de bureaux et d'équipements tertiaires a longtemps été considérée comme une solution simple et efficace au réaménagement des friches portuaires, inspirée par les modèles américains et londonien. Il s'agissait pour la plupart de rénovations, le seul intérêt des sites étant la présence de l'eau qui représente un élément de plus-value foncière. Ce modèle exclusif est maintenant remis en cause, il aboutit le plus souvent à un gommage et un oubli du caractère portuaire et industriel des espaces et à une ségrégation sociale. De plus, ces activités n'apportent pas vraiment de vie, les espaces étant déserts hors des heures de bureaux. Des investisseurs sont intéressés mais le plus souvent les projets sont de simples transferts, les bureaux sont juste relocalisés à l'intérieur de la ville, ce qui peut aboutir à une surproduction si la demande n'est pas suffisante. Aujourd'hui les berges attirent, ces investissements doivent donc être contrôlés et intégrés parmi d'autres fonctions. A Nantes, les fronts de Loire commencent à abriter des bureaux notamment d'entreprises américaines (I.B.M., Holiday Inn) qui ont compris depuis plus longtemps les atouts d'une implantation près de l'eau.
- La Cité internationale des Affaires (1988) : Peu après le départ des chantiers navals, le site de l'île Sainte-Anne, a connu un projet, qui a bien failli voir le jour, celui d'une cité internationale des affaires, proposée par un promoteur luxembourgeois, Rolphe REDING. Le projet était ambitieux, la première tranche prévoyait 50.000 m² de bureaux et de halls d'exposition autour d'un centre de gestion. L'investissement, d'environ 500 millions de francs, devait être pris en charge par la banque Worms et différents capitaux luxembourgeois.
Pendant un an, le projet semble retenu. Mais peu à peu face aux critiques, aux pressions et à la lourdeur d'une telle réalisation et à son succès incertain, le maire de Bordeaux, Jacques CHABAN-DELMAS commence à accuser Ricardo BOFILL de "revendre son architecture de frise et de corniche" à travers le cahier des charges de la Bastide". Le projet est jugé finalement trop "directif". Pourtant, à l'origine, le partage des rôles avait été bien balisé : à Ricardo BOFILL le tracé, aux architectes d'opération la créativité. La municipalité finalement ouvre les yeux, peut-être s'était-elle laissée séduire par un grand projet qui avait l'ambition de tout régler et qui pouvait changer la face de la ville.
> Concours Bordeaux Port de la Lune (1989)
Après les désillusions, la réflexion est relancée par le centre d'architecture "Arc-en-Rêve", dont Francine FORT, la directrice, convainc le maire d'organiser un concours sur l'aménagement des deux rives. L'approche se veut radicalement différente. On ne veut plus d'une grande architecture pour "occuper" un périmètre. Le concours met l'accent sur la notion de "concept". Les élus veulent maintenant comprendre comment les projets déclineront l'identité de leur ville et s'inscriront à l'échelle de l'agglomération.
Sept projets ont été présentés par des architectes de renommée mondiale. Ils sont extrêmement variés et restent très théoriques et conceptuels mais beaucoup d'idées neuves en ressortent. Une attention particulière est portée au culturel, à l'image et à l'identité de la ville. «Tous les projets doivent être regardés comme des révélateurs du paysage de Bordeaux. Tous prennent le port de la Lune comme unité de mesure[36]». Quelques propositions originales et créatives sont à noter (cf. Annexe n°1) :
-Promenade subaquatique d'un kilomètre de long au milieu du fleuve pour s'approprier l'élément aquatique si large qui ne permet pas d'unité entre les deux rives (ALSOP & LYALL).
-Encombrement des quais de la rive gauche par des hangars, des conteneurs habités et des complexes d'activités débordant vers l'eau pour conserver l'imaginaire portuaire. (NOUVEL & CATTANI).
-Large boucle de circulation ceinturant La Bastide de la Gare Saint-Jean au quartier du Lac, engendrant une percée à vocation tertiaire (KOOLHAASS).
-Pont-monument au caractère naval, évoquant l'activité perdue de Bordeaux (CALATRAVA).
-Jeu visuel avec d'extraordinaires "monuments-machines-sculptures-bâtiments" mobiles sur les rails des quais de la rive gauche. Un changement de décor permanent, visible à partir de la ville, suscitant de l'imaginaire et du rêve, comme l'ancienne activité portuaire (DE PORTZAMPARC).
Contrairement à BOFILL, tous insistent sur l'éloignement des deux rives. Le front de la rive gauche n'est pas conçu pour être vu depuis l'autre rive mais d'un bateau pénétrant dans le port (NOUVEL). Donc il ne peut y avoir de relation, si ce n'est virtuelle entre les deux fronts de rive. Tous ces projets ne proposent pas de solution globale, mais des idées fortes qui peuvent servir de révélateurs à une reconquête du fleuve et des deux rives.
> Visions architecturales de l'île Sainte-Anne
Les friches portuaires à Nantes ont aussi suscité des projets de remodelage architectural, mais dans une moindre mesure. La municipalité n'a pas eu recours à autant d'architectes, la plupart des idées sont apparues spontanément, sans cadre institutionnel. Les étudiants en école d'architecture ont beaucoup utilisé l'île Sainte-Anne comme support d'étude. Les plans qui en ressortent sont jeunes, créatifs mais trop souvent scolaires et théoriques (cf. Annexe n°2).
L'idée est le plus souvent de faire de l'île Sainte-Anne un quartier intégré au reste de la ville avec des habitations, des commerces et quelques points forts pour susciter de l'attraction. Il en ressort des concepts classiques d'aménagement urbain avec la constitution d'équipements dominés par le tertiaire et les loisirs (centres sportifs, restaurants...), le tout dans un environnement aquatique et verdoyant (canaux, parcs). Ces projets constituent des prolongements modernes du centre-ville dans un cadre de vie agréable. Pourtant, quelques idées audacieuses ressortent parfois comme la construction "d'immeubles-bateaux" sur les cales de lancement.
Dans l'ensemble, ces projets sont des exercices de style, où l'on calque des éléments urbains classiques, plutôt que des supports sérieux prenant en compte toutes les composantes d'un réaménagement. L'île Sainte-Anne n'a pas fait l'objet de grand concours d'architecture car l'endroit ne s'y prête pas vraiment. Contrairement à Bordeaux, l'espace est beaucoup moins vaste et les traces du passé sont nombreuses. Un remodelage architectural complet est plus difficile, l'espace étant beaucoup plus lié à la ville et les activités présentes plus nombreuses.
2.2.1.2. Implantation d'activités tertiaires publiques et privées
Plutôt qu'une refonte entière de ces espaces, les décideurs préfèrent penser à des éléments forts, à des opérations ponctuelles qui auraient un rôle de moteur et qui induirait un réaménagement global. Ainsi un grand nombre de propositions sont apparues pour créer des éléments qui pourraient susciter de l'animation, de la fréquentation, ce qui faciliterait une réappropriation progressive des lieux par la population et déclencherait d'autres opérations. Il s'agit de "réveiller" les espaces, de créer un environnement propice à de nouveaux investissements.
> Equipements publics
Les municipalités trouvent de plus en plus d'intérêt à leur fleuve et essaye de se recentrer en le prenant en compte. La construction d'équipements publics parait une bonne alternative pour reconquérir les espaces délaissés. A Nantes, cette tendance s'est déjà amorcée avec le Palais des Congrès. Mais, les espaces sont vastes et parfois éloignés. Pour provoquer de l'animation, il faut penser à soigner les articulations avec le centre existant, prévoir un environnement attractif et varié, afin que ces espaces ne deviennent pas des "cités administratives", seulement fréquentées par les employés et coupées de la ville.
- Pôle universitaire : La création d'universités est souvent mentionnée, notamment à Nantes et à Bordeaux. Cette solution parait appropriée puisqu'elle nécessite de vastes espaces et que l'animation y est immédiate. De telles implantations symbolisent le renouveau, l'avenir. Les activités de recherche associées peuvent aussi aboutir à la constitution d'un pôle technopolitain. De plus, les universités connaissent aujourd'hui un mouvement de retour vers les centres. Elles avaient tendance à se localiser en périphérie (Talence) ce qui privait le centre-ville d'une fréquentation importante, celui-ci servant juste de lieu de transit aux heures de pointe.
A Bordeaux, le projet PERRAULT prévoit une université de 23 hectares en face du Cours du Médoc, qui insufflerait de la vie à la Bastide. Mais un projet similaire est à l'étude sur des terrains plus proches du centre, à côté de la gare d'Orléans : celui d'un déménagement du groupe ESC-Bordeaux du site de Talence (1.400 étudiants), soutenu par la C.C.I. de Bordeaux. Ce projet s'inscrirait plus largement dans l'émergence d'un pôle mixte (public-privé) de 4 à 5000 étudiants qui regrouperait toutes les formations ayant à voir avec la gestion, le commerce et les affaires.
A Nantes, des projets ont été maintes fois évoqués pour l'île Sainte-Anne. Le déménagement de l'université de Droit est souhaité, en relation avec la future Cité judiciaire (cf. p:85). La création d'un pôle universitaire spécialisé en théologie et en philosophie a été proposé dans le cadre d'une "Cité de la Tolérance" (cf. p:90). L'étude PERRAULT envisage un campus à la place des emprises ferroviaires. Pour l'instant rien n'est concret mais déjà l'ancien bâtiment de Direction des chantiers navals abrite une université inter-âge, même si celle-ci est minime et a peu d'impact.
- Hôtel du Département à Bordeaux : La Gironde est une des rares collectivités départementales à ne pas disposer de locaux distincts de ceux de l'Etat. En effet, actuellement ils sont plus ou moins confondus avec la Préfecture. L'idée plane depuis longtemps d'édifier un véritable hôtel du département permettant d'abriter toutes les directions du Conseil général. Une implantation sur la rive droite permettrait d'apporter un élément de centralité, de dynamiser une rive actuellement sinistrée. Mais, cela entraînerait des coûts supplémentaires. Un bâtiment construit ex-nihilo avec son équipement est estimé à environ un milliard de francs. Il serait plus facile de le construire à Mériadeck, à un coût beaucoup moindre (300 millions de francs). Ce qui ne ferait que renforcer l'hypercentre existant et accentuer le déséquilibre.
- La Cité judiciaire à Nantes : C'est le projet qui semble le plus avancé (son emplacement est déjà prévu au P.O.S.). Ce bâtiment important (16.000 m² de surface au sol) devrait abriter le Palais de Justice et divers services judiciaires. Cette Cité a été commandée par le Ministère de la Justice et imaginée par Jean NOUVEL en bordure de fleuve, quai Fernand Crouan. Elle constituerait un ancrage dans le site et une passerelle piétonne est prévue pour la rattacher au centre. La municipalité mise sur un effet structurant pour reconquérir tout le quartier et le "raccrocher" au centre, comme elle l'a fait avec le Palais des Congrès dans le quartier de la Madeleine. Son coût est estimé à 200 M.F. et elle devrait employer à terme 250 personnes. Les travaux devaient commencer en 1996, mais pour l'instant le permis de construire en toujours en instance de jugement.
> Equipements privés
La construction de bureaux et d'équipements tertiaires a longtemps été considérée comme une solution simple et efficace au réaménagement des friches portuaires, inspirée par les modèles américains et londonien. Il s'agissait pour la plupart de rénovations, le seul intérêt des sites étant la présence de l'eau qui représente un élément de plus-value foncière. Ce modèle exclusif est maintenant remis en cause, il aboutit le plus souvent à un gommage et un oubli du caractère portuaire et industriel des espaces et à une ségrégation sociale. De plus, ces activités n'apportent pas vraiment de vie, les espaces étant déserts hors des heures de bureaux. Des investisseurs sont intéressés mais le plus souvent les projets sont de simples transferts, les bureaux sont juste relocalisés à l'intérieur de la ville, ce qui peut aboutir à une surproduction si la demande n'est pas suffisante. Aujourd'hui les berges attirent, ces investissements doivent donc être contrôlés et intégrés parmi d'autres fonctions. A Nantes, les fronts de Loire commencent à abriter des bureaux notamment d'entreprises américaines (I.B.M., Holiday Inn) qui ont compris depuis plus longtemps les atouts d'une implantation près de l'eau.
- La Cité internationale des Affaires (1988) : Peu après le départ des chantiers navals, le site de l'île Sainte-Anne, a connu un projet, qui a bien failli voir le jour, celui d'une cité internationale des affaires, proposée par un promoteur luxembourgeois, Rolphe REDING. Le projet était ambitieux, la première tranche prévoyait 50.000 m² de bureaux et de halls d'exposition autour d'un centre de gestion. L'investissement, d'environ 500 millions de francs, devait être pris en charge par la banque Worms et différents capitaux luxembourgeois.
Figure n°34 : Projet de la Cité Internationale des Affaires à Nantes
Ce projet avait l'avantage d'être encore en liaison avec le monde portuaire. La cité devait regrouper un grand nombre de services pour les opérations de négoce international : centre de communication, banques de données, conseils juridiques et financiers, informations sur les marchés en temps réel, assurances, logistiques, transports, etc. Des entreprises, tant françaises qu'étrangères, auraient pu exposer sur le site leurs matériels ou leurs produits. L'avantage pour les sociétés présentes était le dispositif fiscal et réglementaire, celui de la Zone Internationale Atlantique qui prévoit l'exonération de la T.V.A., un statut fiscal particulier garantissant une réduction importante de l'impôt sur les sociétés, des facilités au niveau du contrôle des changes avec accès au double marché monétaire et un régime de magasins francs. De plus, Rolphe REDING avait obtenu l'accord de la Commission européenne pour créer un G.E.I.E. (Groupement Européen d'Intérêt Economique). Tous les résidents de la cité auraient bénéficié de mesures privilégiées notamment en matière de coûts de transit, de stockage et de transport, alignés sur les tarifs des concurrents d'Anvers et de Rotterdam.
On comprend que le projet eût l'adhésion et le soutien du Port Autonome, de la C.C.I., des milieux économiques locaux et même du gouvernement. Cette cité internationale visant particulièrement les marchés à terme aurait permis de fournir au port une fonction de négoce d'ampleur internationale. Le projet tablait sur une centaine d'opérateurs de commerce international et la création de 500 emplois. Mais, en octobre 1988, Michel CHAUTY, alors maire de Nantes, refuse le permis de construire, le dossier n'étant pas complet. C'est alors le début d'un long cafouillage administratif et des points obscurs commencent à apparaître.
Finalement le projet est abandonné en novembre 1989. Ce projet précipité et brouillon aurait pu, en théorie, donner une autre dimension au port et le réconcilier avec la ville au coeur de l'agglomération. Mais le projet apparaît surtout maintenant comme une juteuse opération spéculative, il amènera la Mairie à créer une Z.A.D. pour se garantir un contrôle des terrains. Plus tard, le même projet est proposé à Bordeaux sur la rive droite par le même promoteur. Les mêmes résultats sont promis. Là aussi, les responsables portuaires et économiques connaissent les mêmes espérances et les mêmes déceptions.
2.2.1.3. Activités ludiques : culture et loisirs
Une des solutions les plus proposées, est de faire de ces espaces des lieux de détente, de jeux, d'intelligence. L'eau constitue un cadre agréable et naturel et se prête naturellement aux loisirs contemporains. L'histoire des lieux peut servir de support à des activités culturelles variées. Ces thèmes ludiques sont généralement envisagés dans tous les cas de réaménagement parce qu'ils cadrent avec l'image d'une ville moderne et agréable. Le principe est certes bon, l'opinion publique est favorable, mais le risque est d'en faire une solution systématique et peu imaginative. La multiplication des marinas, des promenades, des musées maritimes, des aqualands dans toutes les villes portuaires gommerait leur spécificité et ces attractions touristiques deviendraient répétitives donc banalisées.
> Promenades et espaces verts
Dans tous les projets de réaménagement, il est prévu des espaces verts et des promenades piétonnes au bord de l'eau. Ces équipements ont pour avantage de conserver le caractère publique des espaces, d'être peu onéreux, d'aérer la ville et de satisfaire l'opinion publique (cf. fig n°32). A Nantes, la réalisation d'un espace vert sur les anciens chantiers navals est sérieusement envisagée. Il s'agit d'une solution assez neutre, qui n'implique pas de construction pouvant froisser la population marquée par l'ancienne activité. Mais les espaces étant tellement grands, on ne peut prévoir ce seul équipement, qui ne crée pas assez d'attraction, ni assez d'animation à lui seul. De plus, cela ne règle en aucun cas la question des friches qui dans un parc n'en seront pas moins dans un mauvais état.
Sur les quais, les promenades piétonnes et cyclistes semblent faire l'unanimité chez les décideurs (Plan Perrault à Bordeaux, cf. fig. n°35). Mais il ne suffit pas de déblayer les terre-pleins et de planter des arbres, encore faut-il régler le problème de l'accès aux quais qui sont souvent isolés par une voie rapide. De plus, à Nantes, le problème de la dégradation reste un frein. Les quais menaçant de s'écrouler d'un moment à l'autre, il serait dangereux d'y faire circuler les personnes.
On comprend que le projet eût l'adhésion et le soutien du Port Autonome, de la C.C.I., des milieux économiques locaux et même du gouvernement. Cette cité internationale visant particulièrement les marchés à terme aurait permis de fournir au port une fonction de négoce d'ampleur internationale. Le projet tablait sur une centaine d'opérateurs de commerce international et la création de 500 emplois. Mais, en octobre 1988, Michel CHAUTY, alors maire de Nantes, refuse le permis de construire, le dossier n'étant pas complet. C'est alors le début d'un long cafouillage administratif et des points obscurs commencent à apparaître.
Finalement le projet est abandonné en novembre 1989. Ce projet précipité et brouillon aurait pu, en théorie, donner une autre dimension au port et le réconcilier avec la ville au coeur de l'agglomération. Mais le projet apparaît surtout maintenant comme une juteuse opération spéculative, il amènera la Mairie à créer une Z.A.D. pour se garantir un contrôle des terrains. Plus tard, le même projet est proposé à Bordeaux sur la rive droite par le même promoteur. Les mêmes résultats sont promis. Là aussi, les responsables portuaires et économiques connaissent les mêmes espérances et les mêmes déceptions.
2.2.1.3. Activités ludiques : culture et loisirs
Une des solutions les plus proposées, est de faire de ces espaces des lieux de détente, de jeux, d'intelligence. L'eau constitue un cadre agréable et naturel et se prête naturellement aux loisirs contemporains. L'histoire des lieux peut servir de support à des activités culturelles variées. Ces thèmes ludiques sont généralement envisagés dans tous les cas de réaménagement parce qu'ils cadrent avec l'image d'une ville moderne et agréable. Le principe est certes bon, l'opinion publique est favorable, mais le risque est d'en faire une solution systématique et peu imaginative. La multiplication des marinas, des promenades, des musées maritimes, des aqualands dans toutes les villes portuaires gommerait leur spécificité et ces attractions touristiques deviendraient répétitives donc banalisées.
> Promenades et espaces verts
Dans tous les projets de réaménagement, il est prévu des espaces verts et des promenades piétonnes au bord de l'eau. Ces équipements ont pour avantage de conserver le caractère publique des espaces, d'être peu onéreux, d'aérer la ville et de satisfaire l'opinion publique (cf. fig n°32). A Nantes, la réalisation d'un espace vert sur les anciens chantiers navals est sérieusement envisagée. Il s'agit d'une solution assez neutre, qui n'implique pas de construction pouvant froisser la population marquée par l'ancienne activité. Mais les espaces étant tellement grands, on ne peut prévoir ce seul équipement, qui ne crée pas assez d'attraction, ni assez d'animation à lui seul. De plus, cela ne règle en aucun cas la question des friches qui dans un parc n'en seront pas moins dans un mauvais état.
Sur les quais, les promenades piétonnes et cyclistes semblent faire l'unanimité chez les décideurs (Plan Perrault à Bordeaux, cf. fig. n°35). Mais il ne suffit pas de déblayer les terre-pleins et de planter des arbres, encore faut-il régler le problème de l'accès aux quais qui sont souvent isolés par une voie rapide. De plus, à Nantes, le problème de la dégradation reste un frein. Les quais menaçant de s'écrouler d'un moment à l'autre, il serait dangereux d'y faire circuler les personnes.
Figure n°35 : Projet de parcours piéton et cycliste sur la rive gauche (Projet Perrault) à Bordeaux
> Plaisance
La création d'un port de plaisance est un bon moyen pour les villes, non loin de la mer, d'occuper les plans d'eau et d'utiliser les anciens quais. En France, les projets sont nombreux, en relation avec une croissance du secteur nautique. Mais cet usage est encore réservé à des privilégiés, de plus l'éloignement de la mer et le nombre important d'équipements déjà existant dans les communes littorales, rendent ces réalisations hasardeuses.
La création d'un port de plaisance est un bon moyen pour les villes, non loin de la mer, d'occuper les plans d'eau et d'utiliser les anciens quais. En France, les projets sont nombreux, en relation avec une croissance du secteur nautique. Mais cet usage est encore réservé à des privilégiés, de plus l'éloignement de la mer et le nombre important d'équipements déjà existant dans les communes littorales, rendent ces réalisations hasardeuses.
Figure n°36 : L'activité de plaisance dans le bassin à flot n°2 à Bordeaux
Figure n°37 : Projet de Conservatoire International de la Plaisance dans la base sous-marine à Bordeaux
A Bordeaux, le bassin à flot n°2 abrite déjà des bateaux et des activités dépendant de la plaisance. Le projet, initié par la Fédération des Industries Nautiques, est d'en faire un grand complexe nautique avec un port d'hivernage et un Conservatoire International de la Plaisance dans l'ancienne base sous-marine (cf. fig n°37). La solution semble évidente, puisque les bassins ne peuvent pas vraiment avoir d'autre vocation mais certains restent sceptiques comme Dieter GUST, P.D.G. de C.N.B. (Construction Navale Bordeaux) : «Bordeaux à 100 kilomètres après la barre de l'embouchure n'aura jamais une vocation nautique[37]».
A Nantes, sur ce sujet, un projet ambitieux consiste à rattacher l'île Sainte-Anne à la rive Nord avec un projet de barrages qui transformeraient le bras de la Madeleine en bassin à flot. Celui-ci aurait l'avantage de créer un miroir d'eau qui refléterait les façades du XVIIIe siècle et de supprimer le marnage et l'érosion trop importante des quais. Cette solution est technique et chère et les Nantais, depuis les comblements, sont méfiants face à un bouleversement du régime de la Loire.
> Parcs à thèmes
A Nantes, le site des anciens chantiers navals a fait l'objet de propositions de parcs d'attraction autour de thèmes liés à l'histoire nantaise et à la mer. Ces équipements permettraient de réaménager ces grands espaces et provoqueraient une attraction touristique forte. Mais ils risquent de n'être qu'une mise en scène du passé en rupture avec la population locale, qui d'ailleurs à un a priori assez négatif envers l'implantation de ces temples du commerce et du spectacle sur un endroit à forte identité et qui a connu la souffrance du labeur (cf. fig n°32).
Jules VERNE, le fameux écrivain né à Nantes, en est souvent le prétexte, alors qu'il a très peu vécu dans la ville. Bernard DECRE et Christophe GUEPIN veulent créer autour des thèmes de ses romans un parc de loisirs de 15 hectares en hommage à la mer : «Il faut réveiller Nantes! On dispose d'une des plus belles friches urbaines de France, en plein coeur de la ville. Un lieu chargé d'histoire où sont nés les plus beaux navires de la flotte française et on veut en faire des immeubles de bureaux ![38]».
A Nantes, sur ce sujet, un projet ambitieux consiste à rattacher l'île Sainte-Anne à la rive Nord avec un projet de barrages qui transformeraient le bras de la Madeleine en bassin à flot. Celui-ci aurait l'avantage de créer un miroir d'eau qui refléterait les façades du XVIIIe siècle et de supprimer le marnage et l'érosion trop importante des quais. Cette solution est technique et chère et les Nantais, depuis les comblements, sont méfiants face à un bouleversement du régime de la Loire.
> Parcs à thèmes
A Nantes, le site des anciens chantiers navals a fait l'objet de propositions de parcs d'attraction autour de thèmes liés à l'histoire nantaise et à la mer. Ces équipements permettraient de réaménager ces grands espaces et provoqueraient une attraction touristique forte. Mais ils risquent de n'être qu'une mise en scène du passé en rupture avec la population locale, qui d'ailleurs à un a priori assez négatif envers l'implantation de ces temples du commerce et du spectacle sur un endroit à forte identité et qui a connu la souffrance du labeur (cf. fig n°32).
Jules VERNE, le fameux écrivain né à Nantes, en est souvent le prétexte, alors qu'il a très peu vécu dans la ville. Bernard DECRE et Christophe GUEPIN veulent créer autour des thèmes de ses romans un parc de loisirs de 15 hectares en hommage à la mer : «Il faut réveiller Nantes! On dispose d'une des plus belles friches urbaines de France, en plein coeur de la ville. Un lieu chargé d'histoire où sont nés les plus beaux navires de la flotte française et on veut en faire des immeubles de bureaux ![38]».
Figure n°38 : Projet de "Port Jules Verne" sur l'île Sainte-Anne à Nantes
Un autre projet est celui d'une exposition universelle ou internationale prônée par M. PAUMIER, pour célébrer le centenaire de la mort de Jules Verne en 2005. L'idée est de provoquer un lourd réaménagement des friches portuaires déclenché et motivé par un grand acte médiatique comme cela a déjà été fait, par exemple, à Barcelone pour les Jeux Olympiques. Cette même méthode est proposée par la Jeune Chambre Economique Nantaise qui veut créer une Cité de la Tolérance à l'occasion des 400 ans de l'Edit de Nantes en 1998, qui déclencherait, selon elle, "le big-bang urbanistique de l'île Sainte-Anne".
> Musées et centres culturels
Les friches portuaires constituent des lieux de mémoire et la réalisation de musées permettrait de la conserver. Même s'il ne faut pas tomber dans un excès de nostalgie, le rappel des anciennes activités ne peut que servir les villes, renforcer leur identité, attirer des visiteurs. Mais les musées ne peuvent se limiter aux thèmes maritimes. Les friches servent de support et de décor à diverses activités artistiques. La grandeur des espaces disponibles, notamment dans les anciens hangars, permettrait d'abriter de nombreuses expositions. Une telle vocation culturelle faciliterait la transition avec l'inutilité actuelle, tout en rappelant l'activité productive. Elle ne constituerait pas une fonction "calquée" sans racines, puisqu'elle pourrait s'inspirer à la fois du port, de la mer mais aussi du vide, de la désolation, de l'improductif.
A Bordeaux, pendant un mois, des artistes ont exposé sur les quais, à la place de l'ancien hangar n°11, des sculptures contemporaines de grande taille, plus ou moins inspirées de l'activité maritime. Le Port Autonome avait fourni des matériaux de récupération. Cette initiative originale a été l'occasion pour les Bordelais, intrigués par ces formes, de traverser la route pour une fois et de venir se promener sur le vaste terre-plein.
La solution des musées est une des seules qui ait déjà été sérieusement envisagée. Elle a déjà débouché sur des réalisations (Entrepôt Lainé, Bâtiment de direction des anciens chantiers navals) mais elles restent minimes. L'originalité des sites et leur histoire offrent des opportunités pour la création de grands musées. A Nantes, il serait possible de créer un musée maritime remplaçant le Musée des Salorges actuellement bien isolé de l'eau, à l'intérieur du Château des Ducs de Bretagne. A Bordeaux, l'association Bordeaux rivière et vins veut créer un centre culturel quai des Chartrons en rapport avec les anciens chais et le commerce maritime du vin.
Dans l'ensemble, ce tour d'horizon des projets et de leurs principales caractéristiques permet de voir qu'il n'y a pas vraiment de solution miracle. Chaque possibilité a ses avantages et ses inconvénients. Dans l'ensemble, ils sont assez directifs et ambitieux. Ils aspirent à une meilleure qualité de vie et à des formes urbaines modernes, mais ils sont quelquefois complètement décalés de l'identité des lieux et des moyens financiers des municipalités. Ils ne peuvent être appliqués de manière exclusive, puisque un échec aurait alors des répercussions lourdes sur la ville. Il faut donc s'orienter vers un mixage des projets, pour minimiser les risques et pour apporter une diversité d'intérêt, de fréquentation. Mais il faut aussi s'évertuer à ce que toute réalisation parte de l'existant et acquiert ainsi une spécificité, pour ne pas tomber dans un mélange de clichés. Sans quoi, dans toutes les villes portuaires, le réaménagement consisterait à un «cocktail de Port Grimaud, Disneyland et Manhattan[39]» en cohérence avec les ambitions urbaines mais sans fondement véritable, donc avec des chances de succès relatives.
2.2.2. Grandes orientations de réaménagement
Les municipalités nantaises et bordelaises ont généralement compris la complexité du réaménagement et ne se sont pas fait aveugler par de trop beaux projets qui promettaient beaucoup. Aujourd'hui, les décideurs sont à peu près unanimes sur de grands principes :
- La mixité des activités. Il ne faut pas en faire des espaces spécialisés, coupés de la ville et dépendants d'un seul secteur ou d'une seule catégorie d'usagers. Il faut trouver un certain dosage et en faire des lieux de vie que tout le monde peut et veut fréquenter.
- La spécificité des espaces. Un réaménagement cohérent ne peut prendre sa source qu'en partant des lieux, de leur histoire. Il faut mettre en valeur l'identité des lieux, notamment le caractère portuaire, et y intégrer les nouveaux usages. Des schémas copiés et calqués, qui n'ont pas de raison d'être, aboutiraient à une "banalisation" de ces espaces riches en opportunités et seraient plus enclins à l'échec.
- Les relations avec la ville. Les espaces doivent être spécifiques mais pas isolés. Ils doivent s'intégrer dans la ville et avoir leur place dans l'agglomération. Il faut soigner les articulations avec le centre-ville pour faciliter la fréquentation, tout en signalant la différence avec le tissu urbain traditionnel.
Ces trois points ont mis à jour la nécessité d'une planification globale du réaménagement de ces espaces, pour fixer un cadre, des règles, des objectifs et une cohérence. Pour autant, il faut que ces derniers restent ouverts et flexibles pour susciter et intégrer des projets, provoquer du dynamisme et ne pas figer les idées. Ils ne doivent pas oublier que le réaménagement doit composer avec le temps et avec de nombreux acteurs.
Ainsi, Nantes et Bordeaux ont fait appel à un urbaniste (pour les deux, il s'agit de Dominique PERRAULT), afin que celui-ci définisse, d'après son analyse, de grandes orientations dans lesquelles pourront s'insérer les réalisations futures.
2.2.2.1. Etude exploratoire pour l'aménagement de l'île de Nantes
En décembre 1992, Jean-Marc AYRAULT, maire de Nantes, choisit Dominique PERRAULT, pour inventer un cadre et une méthode de réaménagement pour l'île Sainte-Anne. L'architecte-urbaniste choisit d'englober toute l'île de Nantes et de privilégier la définition d'une ville entière. Il veut éviter un urbanisme planificateur et préfère une démarche ouverte et progressive. «L'objet profond poursuivi ici est, d'initier une démarche urbanistique progressive et vivante, ouverte aux apports de l'avenir et exigeante sur les valeurs culturelles et sociales qui guideront les transformations futures[40]».
Cette étude est avant tout une méthode et non un projet. Elle consiste à lier les propositions et les transformations progressives dans un schéma général fondé sur les caractéristiques stables du site. Les programmes porteurs de développement se grefferont sur cette structure, qui reste assez souple : «Ce site sera aussi un lieu d'échanges. Nous en avons besoin pour que le projet avance. De toute façon, c'est un projet très ouvert, il va faire éclore des idées. Je suis là pour donner de l'élan, de la méthode et surtout une certaine philosophie. Après, le projet doit prendre corps dans la ville[41]».
Sa programmation va vers une mixité urbaine intégrant la prise en compte des facteurs sociaux et économiques, des réalités sociologiques, des ambitions liées aux projets métropolitains. Les interventions qui se succéderont doivent s'inscrire dans trois registres : promouvoir de nouvelles installations, établir des liens et agir avec toutes les parties en présence.
Les "actes fondateurs" du réaménagement s'appuient sur la valorisation des sites suivants:
- Le boulevard de la Prairie au Duc, et son prolongement à l'Est, qui est un axe structurant sur cinq kilomètres intégrant le Palais de la Région, le centre commercial Beaulieu, la place de la République jusqu'à la gare de l'Etat, et assurant une liaison des différents "quartiers" de l'île. Il pourrait servir de support à une ligne de tramway, qui rejoindrait Chantenay par un nouveau pont.
- Les quartiers de la République et de Biesse capables d'accueillir des réalisations nouvelles dans un tissu urbain existant doté d'une vie locale. C'est de la place de la République que peut prendre greffe une extension urbaine, englobant peu à peu les friches.
- Les berges avec, au nord, la présence de la ville historique dont les façades homogènes minérales incitent à un répondant naturel avec des architectures qui se dégagent ponctuellement. Au sud, le linéaire de quai minéral incite à un "front puissant" avec l'édification de volumes réguliers.
> Musées et centres culturels
Les friches portuaires constituent des lieux de mémoire et la réalisation de musées permettrait de la conserver. Même s'il ne faut pas tomber dans un excès de nostalgie, le rappel des anciennes activités ne peut que servir les villes, renforcer leur identité, attirer des visiteurs. Mais les musées ne peuvent se limiter aux thèmes maritimes. Les friches servent de support et de décor à diverses activités artistiques. La grandeur des espaces disponibles, notamment dans les anciens hangars, permettrait d'abriter de nombreuses expositions. Une telle vocation culturelle faciliterait la transition avec l'inutilité actuelle, tout en rappelant l'activité productive. Elle ne constituerait pas une fonction "calquée" sans racines, puisqu'elle pourrait s'inspirer à la fois du port, de la mer mais aussi du vide, de la désolation, de l'improductif.
A Bordeaux, pendant un mois, des artistes ont exposé sur les quais, à la place de l'ancien hangar n°11, des sculptures contemporaines de grande taille, plus ou moins inspirées de l'activité maritime. Le Port Autonome avait fourni des matériaux de récupération. Cette initiative originale a été l'occasion pour les Bordelais, intrigués par ces formes, de traverser la route pour une fois et de venir se promener sur le vaste terre-plein.
La solution des musées est une des seules qui ait déjà été sérieusement envisagée. Elle a déjà débouché sur des réalisations (Entrepôt Lainé, Bâtiment de direction des anciens chantiers navals) mais elles restent minimes. L'originalité des sites et leur histoire offrent des opportunités pour la création de grands musées. A Nantes, il serait possible de créer un musée maritime remplaçant le Musée des Salorges actuellement bien isolé de l'eau, à l'intérieur du Château des Ducs de Bretagne. A Bordeaux, l'association Bordeaux rivière et vins veut créer un centre culturel quai des Chartrons en rapport avec les anciens chais et le commerce maritime du vin.
Dans l'ensemble, ce tour d'horizon des projets et de leurs principales caractéristiques permet de voir qu'il n'y a pas vraiment de solution miracle. Chaque possibilité a ses avantages et ses inconvénients. Dans l'ensemble, ils sont assez directifs et ambitieux. Ils aspirent à une meilleure qualité de vie et à des formes urbaines modernes, mais ils sont quelquefois complètement décalés de l'identité des lieux et des moyens financiers des municipalités. Ils ne peuvent être appliqués de manière exclusive, puisque un échec aurait alors des répercussions lourdes sur la ville. Il faut donc s'orienter vers un mixage des projets, pour minimiser les risques et pour apporter une diversité d'intérêt, de fréquentation. Mais il faut aussi s'évertuer à ce que toute réalisation parte de l'existant et acquiert ainsi une spécificité, pour ne pas tomber dans un mélange de clichés. Sans quoi, dans toutes les villes portuaires, le réaménagement consisterait à un «cocktail de Port Grimaud, Disneyland et Manhattan[39]» en cohérence avec les ambitions urbaines mais sans fondement véritable, donc avec des chances de succès relatives.
2.2.2. Grandes orientations de réaménagement
Les municipalités nantaises et bordelaises ont généralement compris la complexité du réaménagement et ne se sont pas fait aveugler par de trop beaux projets qui promettaient beaucoup. Aujourd'hui, les décideurs sont à peu près unanimes sur de grands principes :
- La mixité des activités. Il ne faut pas en faire des espaces spécialisés, coupés de la ville et dépendants d'un seul secteur ou d'une seule catégorie d'usagers. Il faut trouver un certain dosage et en faire des lieux de vie que tout le monde peut et veut fréquenter.
- La spécificité des espaces. Un réaménagement cohérent ne peut prendre sa source qu'en partant des lieux, de leur histoire. Il faut mettre en valeur l'identité des lieux, notamment le caractère portuaire, et y intégrer les nouveaux usages. Des schémas copiés et calqués, qui n'ont pas de raison d'être, aboutiraient à une "banalisation" de ces espaces riches en opportunités et seraient plus enclins à l'échec.
- Les relations avec la ville. Les espaces doivent être spécifiques mais pas isolés. Ils doivent s'intégrer dans la ville et avoir leur place dans l'agglomération. Il faut soigner les articulations avec le centre-ville pour faciliter la fréquentation, tout en signalant la différence avec le tissu urbain traditionnel.
Ces trois points ont mis à jour la nécessité d'une planification globale du réaménagement de ces espaces, pour fixer un cadre, des règles, des objectifs et une cohérence. Pour autant, il faut que ces derniers restent ouverts et flexibles pour susciter et intégrer des projets, provoquer du dynamisme et ne pas figer les idées. Ils ne doivent pas oublier que le réaménagement doit composer avec le temps et avec de nombreux acteurs.
Ainsi, Nantes et Bordeaux ont fait appel à un urbaniste (pour les deux, il s'agit de Dominique PERRAULT), afin que celui-ci définisse, d'après son analyse, de grandes orientations dans lesquelles pourront s'insérer les réalisations futures.
2.2.2.1. Etude exploratoire pour l'aménagement de l'île de Nantes
En décembre 1992, Jean-Marc AYRAULT, maire de Nantes, choisit Dominique PERRAULT, pour inventer un cadre et une méthode de réaménagement pour l'île Sainte-Anne. L'architecte-urbaniste choisit d'englober toute l'île de Nantes et de privilégier la définition d'une ville entière. Il veut éviter un urbanisme planificateur et préfère une démarche ouverte et progressive. «L'objet profond poursuivi ici est, d'initier une démarche urbanistique progressive et vivante, ouverte aux apports de l'avenir et exigeante sur les valeurs culturelles et sociales qui guideront les transformations futures[40]».
Cette étude est avant tout une méthode et non un projet. Elle consiste à lier les propositions et les transformations progressives dans un schéma général fondé sur les caractéristiques stables du site. Les programmes porteurs de développement se grefferont sur cette structure, qui reste assez souple : «Ce site sera aussi un lieu d'échanges. Nous en avons besoin pour que le projet avance. De toute façon, c'est un projet très ouvert, il va faire éclore des idées. Je suis là pour donner de l'élan, de la méthode et surtout une certaine philosophie. Après, le projet doit prendre corps dans la ville[41]».
Sa programmation va vers une mixité urbaine intégrant la prise en compte des facteurs sociaux et économiques, des réalités sociologiques, des ambitions liées aux projets métropolitains. Les interventions qui se succéderont doivent s'inscrire dans trois registres : promouvoir de nouvelles installations, établir des liens et agir avec toutes les parties en présence.
Les "actes fondateurs" du réaménagement s'appuient sur la valorisation des sites suivants:
- Le boulevard de la Prairie au Duc, et son prolongement à l'Est, qui est un axe structurant sur cinq kilomètres intégrant le Palais de la Région, le centre commercial Beaulieu, la place de la République jusqu'à la gare de l'Etat, et assurant une liaison des différents "quartiers" de l'île. Il pourrait servir de support à une ligne de tramway, qui rejoindrait Chantenay par un nouveau pont.
- Les quartiers de la République et de Biesse capables d'accueillir des réalisations nouvelles dans un tissu urbain existant doté d'une vie locale. C'est de la place de la République que peut prendre greffe une extension urbaine, englobant peu à peu les friches.
- Les berges avec, au nord, la présence de la ville historique dont les façades homogènes minérales incitent à un répondant naturel avec des architectures qui se dégagent ponctuellement. Au sud, le linéaire de quai minéral incite à un "front puissant" avec l'édification de volumes réguliers.
Figure n°39 : La structure de l'Etude Perrault sur l'aménagement de l'île de Nantes
- Les anciens chantiers navals, avec une forte charge symbolique qui appelle à un usage public. Dans un premier temps, il serait préférable de retourner à une grande prairie qui permettrait au Nantais de s'approprier l'endroit, de le parcourir avant peut-être la construction d'un parc.
Pour l'instant, peu de réalisations viennent s'intégrer dans ces grands points, mais déjà des interrogations apparaissent. Les associations reprochent à cette étude de ne pas clairement préciser le sort des friches portuaires et comment elles pourraient être intégrées. Sous leur pression, PERRAULT a dû revenir sur le tracé d'un pont qu'il voulait faire passer à la place des anciennes cales de construction. L'architecte est soupçonné d'être peu sensible aux traces industrielles et portuaires et d'envisager un peu trop vite des rénovations. De plus, le problème de l'état des quais n'est que peu souligné alors qu'il est susceptible de rendre dangereux toute fréquentation. Les associations attendent toujours, depuis plus d'un an, l'ouverture d'un atelier d'urbanisme, autour de cette étude, pour une concertation et une confrontation des idées.
2.2.2.2. Le "Projet Perrault" d'aménagement des deux rives
Dominique PERRAULT est aussi chargé, à Bordeaux, de l'aménagement des rives de la Garonne. En juillet 1992, celui-ci est nommé "concepteur des deux rives". Le réaménagement est énorme et J. CHABAN-DELMAS, le qualifiait de «la plus importante opération d'urbanisme aujourd'hui en Europe[42]». D. PERRAULT a la charge de définir un parti urbain servant de fil directeur à tous les aménagements à réaliser le long du fleuve.
Comme à Nantes, le projet établit un cadre suffisamment souple pour évoluer. Mais à Bordeaux, le projet est beaucoup plus important (huit gros volumes) et définit quelques mesures concrètes comme, par exemple, la destruction des hangars n°5 à 14 sur la rive gauche. Vu l'immensité de la tâche, il ne prévoit pas un plan d'aménagement d'ensemble, mais définit des séquences opérationnelles, qui gardent chacune leur autonomie dans le long terme. Les grands points sont :
- La libération des quais rive gauche jusqu'au Cours du Médoc avec l'aménagement d'un parcours composé d'une promenade piétonne et d'une piste cyclable (cf. fig. n°35). Ainsi, que l'élargissement des trottoirs le long des façades.
- La réalisation d'un jardin en face de la Place de la Bourse, en enlevant le toit du hangar souterrain n°3. Ce qui ferait un cadre d'escale agréable pour les croisières.
- La réhabilitation des hangars n°15 à 19. PERRAULT veut les occuper, les relier entre eux avec des systèmes de capotage et de soufflets pour former un bâtiment de 800 mètres de long.
- Un parc des berges sur la rive droite pour accentuer son caractère paysager et jouer sur le contraste avec la rive gauche classique et minérale.
- Un dédoublement du Pont de Pierre en face du Cours Alsace-Lorraine, pour faciliter le franchissement et toujours permettre aux paquebots d'accoster en face de la Bourse. Il prévoit de relier les deux ponts avec un ponton, qui pourrait offrir une vue au milieu du fleuve.
- La création d'une nouvelle avenue parallèle à l'Avenue Thiers sur la rive droite. Entre les deux, y serait concentrée une urbanisation relativement dense, devant permettre de revitaliser par effet induit toute la rive droite.
- Le rattachement de cette zone au fleuve par une alternance de coulées vertes et de bandes construites intégrant commerce et activités, ainsi qu'une université face au Cours du Médoc.
A sa création, le projet PERRAULT s'appuie sur trois grands points : le métro V.A.L., un nouveau pont et l'université. Seulement aujourd'hui, non seulement aucun de ces points n'a vu le jour, mais de plus ils paraissent maintenant compromis. La question du plan de circulation n'est toujours pas résolue (on semble maintenant préférer un tramway), le franchissement du fleuve pose des problèmes surtout avec la fragilité du Pont de Pierre et d'autres projets universitaires semblent être préférés.
Maintenant, même la municipalité, qui soutenait pleinement PERRAULT, commence à être plus sceptique et veut revoir la majorité des points, avant de le soumettre à un vote du Conseil municipal. L'opinion publique commence à s'impatienter, les problèmes s'accumulent et sont loin d'être résolus. Pourtant le projet est flexible, cohérent, et propose des objectifs simples, non spectaculaires. Mais l'immensité du réaménagement exige une forte volonté et ténacité et des concertations entre tous les acteurs. La réflexion semble loin d'être achevée à Bordeaux. Elle est rendue difficile par l'ampleur des espaces et donc des répercussions que provoqueraient un réaménagement sur toute l'agglomération. Les enjeux sont énormes, ce qui freine l'intervention, mais c'est aussi ce qui la motive, les acteurs sachant qu'ils peuvent, à travers ces espaces, trouver un moyen de renouveau et de développement.
Pour l'instant, peu de réalisations viennent s'intégrer dans ces grands points, mais déjà des interrogations apparaissent. Les associations reprochent à cette étude de ne pas clairement préciser le sort des friches portuaires et comment elles pourraient être intégrées. Sous leur pression, PERRAULT a dû revenir sur le tracé d'un pont qu'il voulait faire passer à la place des anciennes cales de construction. L'architecte est soupçonné d'être peu sensible aux traces industrielles et portuaires et d'envisager un peu trop vite des rénovations. De plus, le problème de l'état des quais n'est que peu souligné alors qu'il est susceptible de rendre dangereux toute fréquentation. Les associations attendent toujours, depuis plus d'un an, l'ouverture d'un atelier d'urbanisme, autour de cette étude, pour une concertation et une confrontation des idées.
2.2.2.2. Le "Projet Perrault" d'aménagement des deux rives
Dominique PERRAULT est aussi chargé, à Bordeaux, de l'aménagement des rives de la Garonne. En juillet 1992, celui-ci est nommé "concepteur des deux rives". Le réaménagement est énorme et J. CHABAN-DELMAS, le qualifiait de «la plus importante opération d'urbanisme aujourd'hui en Europe[42]». D. PERRAULT a la charge de définir un parti urbain servant de fil directeur à tous les aménagements à réaliser le long du fleuve.
Comme à Nantes, le projet établit un cadre suffisamment souple pour évoluer. Mais à Bordeaux, le projet est beaucoup plus important (huit gros volumes) et définit quelques mesures concrètes comme, par exemple, la destruction des hangars n°5 à 14 sur la rive gauche. Vu l'immensité de la tâche, il ne prévoit pas un plan d'aménagement d'ensemble, mais définit des séquences opérationnelles, qui gardent chacune leur autonomie dans le long terme. Les grands points sont :
- La libération des quais rive gauche jusqu'au Cours du Médoc avec l'aménagement d'un parcours composé d'une promenade piétonne et d'une piste cyclable (cf. fig. n°35). Ainsi, que l'élargissement des trottoirs le long des façades.
- La réalisation d'un jardin en face de la Place de la Bourse, en enlevant le toit du hangar souterrain n°3. Ce qui ferait un cadre d'escale agréable pour les croisières.
- La réhabilitation des hangars n°15 à 19. PERRAULT veut les occuper, les relier entre eux avec des systèmes de capotage et de soufflets pour former un bâtiment de 800 mètres de long.
- Un parc des berges sur la rive droite pour accentuer son caractère paysager et jouer sur le contraste avec la rive gauche classique et minérale.
- Un dédoublement du Pont de Pierre en face du Cours Alsace-Lorraine, pour faciliter le franchissement et toujours permettre aux paquebots d'accoster en face de la Bourse. Il prévoit de relier les deux ponts avec un ponton, qui pourrait offrir une vue au milieu du fleuve.
- La création d'une nouvelle avenue parallèle à l'Avenue Thiers sur la rive droite. Entre les deux, y serait concentrée une urbanisation relativement dense, devant permettre de revitaliser par effet induit toute la rive droite.
- Le rattachement de cette zone au fleuve par une alternance de coulées vertes et de bandes construites intégrant commerce et activités, ainsi qu'une université face au Cours du Médoc.
A sa création, le projet PERRAULT s'appuie sur trois grands points : le métro V.A.L., un nouveau pont et l'université. Seulement aujourd'hui, non seulement aucun de ces points n'a vu le jour, mais de plus ils paraissent maintenant compromis. La question du plan de circulation n'est toujours pas résolue (on semble maintenant préférer un tramway), le franchissement du fleuve pose des problèmes surtout avec la fragilité du Pont de Pierre et d'autres projets universitaires semblent être préférés.
Maintenant, même la municipalité, qui soutenait pleinement PERRAULT, commence à être plus sceptique et veut revoir la majorité des points, avant de le soumettre à un vote du Conseil municipal. L'opinion publique commence à s'impatienter, les problèmes s'accumulent et sont loin d'être résolus. Pourtant le projet est flexible, cohérent, et propose des objectifs simples, non spectaculaires. Mais l'immensité du réaménagement exige une forte volonté et ténacité et des concertations entre tous les acteurs. La réflexion semble loin d'être achevée à Bordeaux. Elle est rendue difficile par l'ampleur des espaces et donc des répercussions que provoqueraient un réaménagement sur toute l'agglomération. Les enjeux sont énormes, ce qui freine l'intervention, mais c'est aussi ce qui la motive, les acteurs sachant qu'ils peuvent, à travers ces espaces, trouver un moyen de renouveau et de développement.
[36] PELISSIER, A directeur de l'équipe chargée d'analyser les projets (1990) Urbanisme n°236; p: 94-97
[37] Sud-Ouest du 2 mars 1996
[38] Ouest-France du 10 oct. 1988
[39] BONILLO, J-L (1992) "L'espace aux limites" in Métropoles portuaires en Europe (Cahiers de la recherche architecturale n°30/31); Parenthèses, Marseille; p:203-212
[40] Ouest-France du 23 fév. 1993
[41] Ouest-France du 19 mai 1995
[42] Sud-Ouest du 25 juil. 1992
[37] Sud-Ouest du 2 mars 1996
[38] Ouest-France du 10 oct. 1988
[39] BONILLO, J-L (1992) "L'espace aux limites" in Métropoles portuaires en Europe (Cahiers de la recherche architecturale n°30/31); Parenthèses, Marseille; p:203-212
[40] Ouest-France du 23 fév. 1993
[41] Ouest-France du 19 mai 1995
[42] Sud-Ouest du 25 juil. 1992