L'interface ville/port : espace-système en mutation. L'exemple de Nantes
PREMIÈRE PARTIE : L'interface ville/port : Désorganisation systémique - Délaissement spatial
1.1. L'interface ville/port : une frontière entre ville et port
Il s'agit ici de cadrer, de manière théorique, l'espace qui va être pris en compte, en expliquant la démarche qui a déterminé ce choix, puis de voir à quelle réalité cela correspond pour Nantes (localisation, composition, organisation).
1.1.1. Identification
Cette étude étant partie de l'observation des friches portuaires, il convient d'expliquer la démarche qui a conduit à élargir la problématique à la notion d'interface ville/port. Dans cette optique, l'analyse géographique va montrer que les friches ne sont qu'une composante spatiale d'un espace plus global qui sera appelé interface ville/port. (cf. figure n°7).
1.1.1.1. Les friches portuaires
Les friches portuaires sont constituées d'espaces, de bâtiments, de matériel portuaire qui ont perdu leur utilité en raison de leur vieillesse, de leur obsolescence par rapport à d'autres équipements, ou de leur situation (inaccessibles aux grands navires). Ainsi, étant de moins en moins rentables face aux exigences techniques et économiques, le port, dans un souci constant d'adaptation de son outil, les a peu à peu délaissés, ce qui a engendré une dégradation.
Dans cette étude, seuls sont considérés comme friches portuaires les éléments dont l'existence découle directement de l'activité portuaire maritime et commerciale, et qui aujourd'hui conservent encore un caractère portuaire visible et identifiable même si l'activité a disparu. Il ne s'agit pas de décrypter toutes les traces portuaires de l'histoire de Nantes. Les formes plus ou moins gommées découlant d'une activité portuaire ancienne ou fluviale ne rentrent pas dans la thématique. Elles ont généralement été depuis longtemps assimilées par la ville pour d'autres usages et n'ont plus à proprement parlé de caractère portuaire. Ainsi, l'étude se limite aux éléments portuaires qui sont apparus durant la période industrielle (généralement deuxième moitié du XIXe et début du XXe siècle), et qui sont devenus des friches en raison de mutations récentes bien déterminées (cf. § 1.2.2.1.).
Au sens strict, ces friches se situent encore sur des espaces gérés par le port. Le territoire portuaire étant bien délimité, il est alors assez aisé de repérer à l'intérieur de celui-ci les éléments qui ne servent plus à l'activité portuaire. Ces friches portuaires "pures" sont généralement assez limitées, ce qui induit parfois une sous-estimation du problème, notamment par les autorités portuaires. Mais, sur le terrain, il apparaît que se restreindre à ces seuls espaces serait réducteur et incomplet, la dégradation et l'abandon touchant aussi d'autres éléments, qui même s'ils sont situés hors du territoire portuaire, ont -ou ont eu- un lien direct avec lui.
1.1.1.2. Les friches associées
Les éléments portuaires aujourd'hui devenus friches ne peuvent être traités séparément de leur environnement urbain. Si les deux fonctions ont aujourd'hui tendance à être séparées, le port et la ville ont pendant longtemps été étroitement imbriqués. De leur contact découlait un système complexe, comprenant une organisation urbaine et industrielle particulière, directement dépendante du port. Ceci incite donc à prendre en compte des espaces beaucoup plus larges du territoire urbain composés d'anciennes industries voire d'habitations dont l'existence et/ou le mode de fonctionnement étaient alors liés à l'activité portuaire. Le retrait ou l'obsolescence du port s'est répercuté directement sur ces industries, ces quartiers, et a provoqué leur déclin. La formation de friches portuaires "pures" s'est donc accompagnée d'une formation de friches, industrielles ou urbaines, associées.
Certes, l'apparition de ces friches ne découle pas uniquement du départ du port. Le monde industriel a lui aussi connu de brutales mutations qui l'ont poussé à évoluer et à se recomposer. Mais les implantations industrielles à proximité des équipements portuaires avaient généralement une activité plus ou moins dépendante du port. Ainsi, soit le retrait de l'activité portuaire a eu un effet minime, ne faisant que souligner l'obsolescence de l'équipement industriel, ce dernier étant à court terme promis à l'abandon indépendamment du port, soit au contraire il a pu avoir un lourd effet d'entraînement, accélérant ou provoquant prématurément le déclin industriel, l'équipement étant obligé de fermer ou de migrer à un endroit plus adéquat. Au total, le retrait portuaire ajouté au déclin industriel s'est répercuté sur de vastes zones urbaines organisées autour de ces deux secteurs.
Une fois ces précisions apportées, il convient de repérer les friches. Leur identification peut paraître assez simple. En théorie, elles répondent à quelques grandes caractéristiques : ancienne vocation portuaire ou associée, abandon, dégradation, image négative... Seulement, en pratique, ces critères sont à relativiser car ils ne sont pas forcément tous présents. La qualification de certains ensembles comme friche n'est pas aussi évidente et est parfois rendue difficile par un assez bon état ou une apparente activité. Néanmoins, la caractéristique la plus déterminante d'une friche est peut-être qu'elle est appelée à disparaître (en étant détruite ou en étant réhabilitée et reconvertie). Le statut de friche renvoie au passé, à l'avenir, mais le présent peut difficilement se définir autrement que par une attente, un état transitoire hésitant entre mort ou renaissance. Par cette caractéristique, le recensement des friches prend un caractère urgent face à un avenir incertain. Dans ce domaine, la France accuse un retard certain, mais actuellement des inventaires en cours incluent les friches : l'inventaire historique des activités industrielles réalisé par les D.R.I.R.E.[2] dans le cadre de la prévention des pollutions industrielles et les différents inventaires du patrimoine industriel par les D.R.A.C.[3] Il ne s'agit pas ici de faire un tel inventaire, l'étude se contentera uniquement de faire un rapide état des lieux des friches (cf. §1.1.2.) en présentant leurs principales caractéristiques.
Cependant, il apparaît que se limiter à ces seuls espaces serait encore trop restrictif. Le caractère temporaire ne se limite pas qu'aux friches, de plus, leur vocation à être recomposées ne peut être envisagée sans rapport avec leur environnement immédiat. Les friches mitent parfois des secteurs encore actifs, qui, s'ils ne constituent pas des friches, sont souvent appelés, à plus ou moins long terme, à évoluer profondément voire à disparaître. L'étude ne peut donc se contenter d'observer un fait ponctuel isolé de son contexte mais doit envisager des entités spatiales beaucoup plus larges et complexes.
1.1.1.3. La notion d'interface ville/port
L'existence des friches découle, comme il a été vu, de la désorganisation d'un système urbano-portuaire qui a induit des types d'aménagement particuliers. Tout l'espace n'est pas pour autant devenu friche, certains secteurs ont su s'adapter et restent encore actifs. Pourtant l'existence des friches est révélateur d'une certaine inadaptation du modelage fonctionnel de l'espace. Celle-ci va induire la nécessité d'une recomposition instaurant un mode de valorisation de l'espace plus approprié. Cette transformation va bien sûr concerner les friches mais aussi le territoire dans lequel elles s'inscrivent. Ainsi, au-delà des friches, c'est souvent une vaste zone qu'il faut recomposer. Celle-ci doit donc être inclue dans le champ de l'étude.
Dans les pays anglo-saxons, le terme utilisé pour désigner ce type d'opération de recomposition est revitalisation de waterfront, c'est-à-dire la partie de la ville qui fait front à une étendue d'eau. D'une part cette notion dépasse la thématique, d'autre part, elle correspond à une réaffectation de l'espace basée sur une valorisation foncière spéculative des terrains reposant sur la présence de l'eau et la proximité du centre-ville; modèle qui ne peut guère s'appliquer en France, étant donné la faible pression foncière, le manque d'intérêt du secteur privé, le statut public des territoires portuaires, etc.
La notion d'interface ville/port sera ici utilisée pour désigner cet espace en mutation. Une interface, zone de contact et d'échanges entre deux systèmes, est un concept abstrait que l'étude se propose d'étudier comme une réalité géographique. Cet exercice va bien sûr avoir quelques limites, puisqu'il va s'agir de matérialiser spatialement un concept donc de lui donner un contenu et un cadre qui vont forcément être discutables. Mais, au-delà des limites qu'il sous-tend, ce choix méthodologique a pour objectif d'éclairer au mieux certains phénomènes, qui deviennent plus évidents à travers une approche à la fois hybride et systémique de l'espace. Suite à la démarche explicitée, un périmètre a été choisi et délimité sur Nantes correspondant globalement à ce qui est généralement appelé l'île Sainte-Anne, à la ligne de quai sur la rive droite et au Bas-Chantenay (cf. figure n°1). Ce cadrage, pour l'instant imposé sans réelle justification, va se révéler au fil de l'étude de plus en plus pertinent et cohérent pour aborder cette thématique.
1.1.1. Identification
Cette étude étant partie de l'observation des friches portuaires, il convient d'expliquer la démarche qui a conduit à élargir la problématique à la notion d'interface ville/port. Dans cette optique, l'analyse géographique va montrer que les friches ne sont qu'une composante spatiale d'un espace plus global qui sera appelé interface ville/port. (cf. figure n°7).
1.1.1.1. Les friches portuaires
Les friches portuaires sont constituées d'espaces, de bâtiments, de matériel portuaire qui ont perdu leur utilité en raison de leur vieillesse, de leur obsolescence par rapport à d'autres équipements, ou de leur situation (inaccessibles aux grands navires). Ainsi, étant de moins en moins rentables face aux exigences techniques et économiques, le port, dans un souci constant d'adaptation de son outil, les a peu à peu délaissés, ce qui a engendré une dégradation.
Dans cette étude, seuls sont considérés comme friches portuaires les éléments dont l'existence découle directement de l'activité portuaire maritime et commerciale, et qui aujourd'hui conservent encore un caractère portuaire visible et identifiable même si l'activité a disparu. Il ne s'agit pas de décrypter toutes les traces portuaires de l'histoire de Nantes. Les formes plus ou moins gommées découlant d'une activité portuaire ancienne ou fluviale ne rentrent pas dans la thématique. Elles ont généralement été depuis longtemps assimilées par la ville pour d'autres usages et n'ont plus à proprement parlé de caractère portuaire. Ainsi, l'étude se limite aux éléments portuaires qui sont apparus durant la période industrielle (généralement deuxième moitié du XIXe et début du XXe siècle), et qui sont devenus des friches en raison de mutations récentes bien déterminées (cf. § 1.2.2.1.).
Au sens strict, ces friches se situent encore sur des espaces gérés par le port. Le territoire portuaire étant bien délimité, il est alors assez aisé de repérer à l'intérieur de celui-ci les éléments qui ne servent plus à l'activité portuaire. Ces friches portuaires "pures" sont généralement assez limitées, ce qui induit parfois une sous-estimation du problème, notamment par les autorités portuaires. Mais, sur le terrain, il apparaît que se restreindre à ces seuls espaces serait réducteur et incomplet, la dégradation et l'abandon touchant aussi d'autres éléments, qui même s'ils sont situés hors du territoire portuaire, ont -ou ont eu- un lien direct avec lui.
1.1.1.2. Les friches associées
Les éléments portuaires aujourd'hui devenus friches ne peuvent être traités séparément de leur environnement urbain. Si les deux fonctions ont aujourd'hui tendance à être séparées, le port et la ville ont pendant longtemps été étroitement imbriqués. De leur contact découlait un système complexe, comprenant une organisation urbaine et industrielle particulière, directement dépendante du port. Ceci incite donc à prendre en compte des espaces beaucoup plus larges du territoire urbain composés d'anciennes industries voire d'habitations dont l'existence et/ou le mode de fonctionnement étaient alors liés à l'activité portuaire. Le retrait ou l'obsolescence du port s'est répercuté directement sur ces industries, ces quartiers, et a provoqué leur déclin. La formation de friches portuaires "pures" s'est donc accompagnée d'une formation de friches, industrielles ou urbaines, associées.
Certes, l'apparition de ces friches ne découle pas uniquement du départ du port. Le monde industriel a lui aussi connu de brutales mutations qui l'ont poussé à évoluer et à se recomposer. Mais les implantations industrielles à proximité des équipements portuaires avaient généralement une activité plus ou moins dépendante du port. Ainsi, soit le retrait de l'activité portuaire a eu un effet minime, ne faisant que souligner l'obsolescence de l'équipement industriel, ce dernier étant à court terme promis à l'abandon indépendamment du port, soit au contraire il a pu avoir un lourd effet d'entraînement, accélérant ou provoquant prématurément le déclin industriel, l'équipement étant obligé de fermer ou de migrer à un endroit plus adéquat. Au total, le retrait portuaire ajouté au déclin industriel s'est répercuté sur de vastes zones urbaines organisées autour de ces deux secteurs.
Une fois ces précisions apportées, il convient de repérer les friches. Leur identification peut paraître assez simple. En théorie, elles répondent à quelques grandes caractéristiques : ancienne vocation portuaire ou associée, abandon, dégradation, image négative... Seulement, en pratique, ces critères sont à relativiser car ils ne sont pas forcément tous présents. La qualification de certains ensembles comme friche n'est pas aussi évidente et est parfois rendue difficile par un assez bon état ou une apparente activité. Néanmoins, la caractéristique la plus déterminante d'une friche est peut-être qu'elle est appelée à disparaître (en étant détruite ou en étant réhabilitée et reconvertie). Le statut de friche renvoie au passé, à l'avenir, mais le présent peut difficilement se définir autrement que par une attente, un état transitoire hésitant entre mort ou renaissance. Par cette caractéristique, le recensement des friches prend un caractère urgent face à un avenir incertain. Dans ce domaine, la France accuse un retard certain, mais actuellement des inventaires en cours incluent les friches : l'inventaire historique des activités industrielles réalisé par les D.R.I.R.E.[2] dans le cadre de la prévention des pollutions industrielles et les différents inventaires du patrimoine industriel par les D.R.A.C.[3] Il ne s'agit pas ici de faire un tel inventaire, l'étude se contentera uniquement de faire un rapide état des lieux des friches (cf. §1.1.2.) en présentant leurs principales caractéristiques.
Cependant, il apparaît que se limiter à ces seuls espaces serait encore trop restrictif. Le caractère temporaire ne se limite pas qu'aux friches, de plus, leur vocation à être recomposées ne peut être envisagée sans rapport avec leur environnement immédiat. Les friches mitent parfois des secteurs encore actifs, qui, s'ils ne constituent pas des friches, sont souvent appelés, à plus ou moins long terme, à évoluer profondément voire à disparaître. L'étude ne peut donc se contenter d'observer un fait ponctuel isolé de son contexte mais doit envisager des entités spatiales beaucoup plus larges et complexes.
1.1.1.3. La notion d'interface ville/port
L'existence des friches découle, comme il a été vu, de la désorganisation d'un système urbano-portuaire qui a induit des types d'aménagement particuliers. Tout l'espace n'est pas pour autant devenu friche, certains secteurs ont su s'adapter et restent encore actifs. Pourtant l'existence des friches est révélateur d'une certaine inadaptation du modelage fonctionnel de l'espace. Celle-ci va induire la nécessité d'une recomposition instaurant un mode de valorisation de l'espace plus approprié. Cette transformation va bien sûr concerner les friches mais aussi le territoire dans lequel elles s'inscrivent. Ainsi, au-delà des friches, c'est souvent une vaste zone qu'il faut recomposer. Celle-ci doit donc être inclue dans le champ de l'étude.
Dans les pays anglo-saxons, le terme utilisé pour désigner ce type d'opération de recomposition est revitalisation de waterfront, c'est-à-dire la partie de la ville qui fait front à une étendue d'eau. D'une part cette notion dépasse la thématique, d'autre part, elle correspond à une réaffectation de l'espace basée sur une valorisation foncière spéculative des terrains reposant sur la présence de l'eau et la proximité du centre-ville; modèle qui ne peut guère s'appliquer en France, étant donné la faible pression foncière, le manque d'intérêt du secteur privé, le statut public des territoires portuaires, etc.
La notion d'interface ville/port sera ici utilisée pour désigner cet espace en mutation. Une interface, zone de contact et d'échanges entre deux systèmes, est un concept abstrait que l'étude se propose d'étudier comme une réalité géographique. Cet exercice va bien sûr avoir quelques limites, puisqu'il va s'agir de matérialiser spatialement un concept donc de lui donner un contenu et un cadre qui vont forcément être discutables. Mais, au-delà des limites qu'il sous-tend, ce choix méthodologique a pour objectif d'éclairer au mieux certains phénomènes, qui deviennent plus évidents à travers une approche à la fois hybride et systémique de l'espace. Suite à la démarche explicitée, un périmètre a été choisi et délimité sur Nantes correspondant globalement à ce qui est généralement appelé l'île Sainte-Anne, à la ligne de quai sur la rive droite et au Bas-Chantenay (cf. figure n°1). Ce cadrage, pour l'instant imposé sans réelle justification, va se révéler au fil de l'étude de plus en plus pertinent et cohérent pour aborder cette thématique.
Figure n°1 : Cadrage du périmètre d'étude
Figure n°2 : Carte de localisation
L'interface ville/port recoupe des espaces à l'intérieur de la ville dont l'aménagement, l'évolution et l'organisation découlent de l'activité portuaire et qui présentent encore aujourd'hui des caractéristiques à la fois urbaines et portuaires. Ils constituent des espaces singuliers face au reste de la ville sur lesquels s'expriment des phénomènes particuliers : sociaux (comportements, population), économiques (industries, port, rapport à l'eau) ou culturels (perception, ambitions). Même si la ville et le port ont tendance à être de plus en plus dissociés, ces espaces constituent encore une zone de contact où des législations, des politiques, des fonctions, des usages, des techniques différentes se rencontrent.
Le trait marquant de l'interface ville/port contemporaine est souvent une certaine tendance au délaissement et à l'apparition de friches. C'est donc un territoire à transformer sur lequel s'appliquent des stratégies à la fois de la ville et du port qui vont chercher à faire valoir leur intérêt dans le processus de recomposition, à travers la confrontation, la concertation ou la coopération. Mais, c'est aussi un espace toujours actif lié à la ville et au port, même si son décalage fonctionnel par rapport aux exigences des deux acteurs en fait un territoire marginalisé, qui évolue moins rapidement, et qui renvoie une image globale de déclin confondant friches et activités. L'interface ville/port a donc souvent une dimension culturelle car elle est souvent perçue comme un espace homogène, un tout.
1.1.2. Le délaissement : un caractère marquant mais minoritaire
C'est le phénomène de délaissement et les problèmes qu'il pose qui motivent aujourd'hui les nombreuses analyses et réflexions sur ces espaces. Les friches sont parfois considérées comme une réalité se confondant avec la notion même d'interface ville/port. Or le phénomène ne constitue pas une généralité. Par exemple, à Nantes, il apparaît comme minoritaire et ne constitue pas un critère suffisant pour qualifier l'espace étudié (cf. figure n°3)
Cependant, l'espace est en partie délaissé (cf. figures n°3 et n°4) et même si cette tendance est à mettre au second plan, ses répercussions sont suffisamment importantes et marquantes pour parfois éclipser les autres composantes du territoire. Le modelage fonctionnel, la dégradation, la désolation constituent des ruptures d'échelle, de sens et d'organisation face à la ville dense et agitée et à un outil portuaire rationnel et performant. Les friches sont marginales, l'espace a comme été figé dans le temps, et constitue une sorte d'anomalie anachronique face à une ville et un port qui, au contraire, ont évolué très rapidement. Elles symbolise une situation de crise, de traumatisme qui contraste avec un dynamisme affiché. L'atmosphère qui y règne est étrange : des sentiments d'ailleurs et de liberté naissent de l'absence de repères et d'utilité. Ces lieux déserts, sales et trop calmes font peur et dérangent, ils bousculent et troublent l'idée que l'on se fait d'une ville et d'un port. A Nantes, cette marginalisation est de plus accentuée par la présence du fleuve qui représente toujours une coupure physique, une barrière psychologique. Malgré la volonté d'intégration actuelle, les berges ont longtemps été mises à l'écart par la ville, prenant un caractère répulsif avec le développement industrialo-portuaire, et devenant peu à peu réservées à la circulation routière.
Ces caractéristiques vont parfois poser certaines difficultés dans le traitement des friches. Le délaissement engendrent des images fortes qui vont peser sur une réappropriation des lieux par les habitants. Mais au-delà de la perception globale, les espaces délaissés sont constitués de différents types de friches [4] qui vont appeler des réponses différentes selon leur nature, leur état, leur situation et la valeur qui peut leur être conférée.
Le trait marquant de l'interface ville/port contemporaine est souvent une certaine tendance au délaissement et à l'apparition de friches. C'est donc un territoire à transformer sur lequel s'appliquent des stratégies à la fois de la ville et du port qui vont chercher à faire valoir leur intérêt dans le processus de recomposition, à travers la confrontation, la concertation ou la coopération. Mais, c'est aussi un espace toujours actif lié à la ville et au port, même si son décalage fonctionnel par rapport aux exigences des deux acteurs en fait un territoire marginalisé, qui évolue moins rapidement, et qui renvoie une image globale de déclin confondant friches et activités. L'interface ville/port a donc souvent une dimension culturelle car elle est souvent perçue comme un espace homogène, un tout.
1.1.2. Le délaissement : un caractère marquant mais minoritaire
C'est le phénomène de délaissement et les problèmes qu'il pose qui motivent aujourd'hui les nombreuses analyses et réflexions sur ces espaces. Les friches sont parfois considérées comme une réalité se confondant avec la notion même d'interface ville/port. Or le phénomène ne constitue pas une généralité. Par exemple, à Nantes, il apparaît comme minoritaire et ne constitue pas un critère suffisant pour qualifier l'espace étudié (cf. figure n°3)
Cependant, l'espace est en partie délaissé (cf. figures n°3 et n°4) et même si cette tendance est à mettre au second plan, ses répercussions sont suffisamment importantes et marquantes pour parfois éclipser les autres composantes du territoire. Le modelage fonctionnel, la dégradation, la désolation constituent des ruptures d'échelle, de sens et d'organisation face à la ville dense et agitée et à un outil portuaire rationnel et performant. Les friches sont marginales, l'espace a comme été figé dans le temps, et constitue une sorte d'anomalie anachronique face à une ville et un port qui, au contraire, ont évolué très rapidement. Elles symbolise une situation de crise, de traumatisme qui contraste avec un dynamisme affiché. L'atmosphère qui y règne est étrange : des sentiments d'ailleurs et de liberté naissent de l'absence de repères et d'utilité. Ces lieux déserts, sales et trop calmes font peur et dérangent, ils bousculent et troublent l'idée que l'on se fait d'une ville et d'un port. A Nantes, cette marginalisation est de plus accentuée par la présence du fleuve qui représente toujours une coupure physique, une barrière psychologique. Malgré la volonté d'intégration actuelle, les berges ont longtemps été mises à l'écart par la ville, prenant un caractère répulsif avec le développement industrialo-portuaire, et devenant peu à peu réservées à la circulation routière.
Ces caractéristiques vont parfois poser certaines difficultés dans le traitement des friches. Le délaissement engendrent des images fortes qui vont peser sur une réappropriation des lieux par les habitants. Mais au-delà de la perception globale, les espaces délaissés sont constitués de différents types de friches [4] qui vont appeler des réponses différentes selon leur nature, leur état, leur situation et la valeur qui peut leur être conférée.
Figure n°3 : Les espaces délaissés au sein de l'interface ville/port (fleuve excepté)
Figure n°4 : Carte de localisation des friches
1.1.2.1. Les friches "bâtiments"
Ces friches sont constituées de bâtiments qui abritaient une fonction portuaire ou industrielle associée. Leur caractère bâti (fondations, matériaux, volumes) les rapprochent en partie des formes urbaines même si l'échelle est souvent différente. Elles peuvent ainsi parfois être utilisé plus facilement pour d'autres usages, en gardant et en adaptant la forme à un nouveau contenu.
> Les quais : Par leur importance et par leur forme, les quais peuvent être considéré à Nantes comme des bâtiments. Le site fluvial a déterminé des emprises portuaires linéaires, les berges étant progressivement aménagées en cales inclinées puis "bâties" en quais. Il reste le long du bras de la Madeleine environ 2.500 mètres de quais délaissés. Ce sont des quais verticaux (mur continu supporté généralement par des pilotis en bois) construits à la fin du XIXe, sur lesquels ont été greffées des estacades en ciment armé dans les années 1920 et 1930. Le système de rempiétement utilisé, en gagnant sur le fleuve, permet ainsi d'élargir des terre-pleins étriqués et d'accroître la profondeur d'eau disponible.
Même s'ils ont subi de nombreuses modifications pour être renforcés et modernisés, leur nature et leur situation sont devenus inappropriées. Perdant peu à peu leur utilité commerciale, le port les a peu entretenus et ils se sont très vite dégradés (cf. § 2.1.1.2.). Ils sont aujourd'hui hors-service et menacent même de s'écrouler. A ces quais, il faut ajouter quelques estacades privées qui desservaient les usines de Chantenay, et depuis 1995, la partie amont du quai Wilson (environ 500 mètres) en ciment armé des années 1920, rendue inaccessible par le pont des Trois Continents.
> Les hangars : Placés sur les terre-pleins en arrière des quais, les hangars étaient destinés à abriter la marchandise pour une courte durée. Ces formes ont été "vidées" de leur fonction avec la disparition de la marchandise. Bien que beaucoup aient disparu, une quinzaine de hangars de construction assez tardive (début du XXe siècle pour les plus anciens) sont présents:
-Cinq hangars composés de pans de brique soutenus par une structure métallique, construits vers 1910 (quai des Antilles et de la Fosse). Le type de construction détermine leur petite taille (moins de 1.000 m² chacun et pas d'étage).
-Cinq hangars suivant un mode de construction similaire mais composés de parpaings ce qui permet des surfaces plus importantes, jusqu'à 2.500 m² (quais de l'Aiguillon, Saint-Louis, et des Antilles).
-Trois hangars massifs en ciment armé caractéristiques des années 1930 (quais des Antilles et Wilson). Le matériau permet de grandes surface et la possibilité d'un étage, ce qui facilite le tri (à l'étage) et la redistribution (au rez-de-chaussée) de la marchandise.
-Deux hangars en tôle métallique (quai des Antilles). De petite taille (600 à 800 m²) mais de grande hauteur, ces formes récentes, sans véritables qualités esthétiques, sont assez faciles à détruire (démontage).
> Les friches industrielles et urbaines : Elles sont localisées dans les quartiers où l'activité portuaire a concentré des implantations industrielles et une forte main-d'oeuvre durant le XIXe et le XXe siècle. Le redéploiement industriel et portuaire et l'effondrement des besoins de main-d'oeuvre ont provoqué le déclin de ces quartiers qui sont aujourd'hui quasi-désertés par la population et où des friches sont apparues.
-Le Bas-Chantenay : Ce quartier a été le support de l'industrialisation à Nantes, concentrant au long du XIXe siècle une multitude d'industries (raffineries de sucre, conserveries, métallurgie, chantiers navals...). Les mutations l'ont lourdement touché mais les industries ont dans l'ensemble su s'adapter. D'importantes entreprises côtoient ou abritent des bâtiments abandonnés mais les friches étant assez éparpillées et minoritaires, le quartier ne paraît pas désolé mais juste vide et "d'un autre âge".
-La Prairie-au-Duc : Desservi par les quais André Rhuys et Fernand Crouan et par un réseau de canaux comblés au début du XXe siècle, le quartier abritait de nombreuses usines (métallurgie, engrais). Les chantiers navals voisins engendraient aussi toute une animation et une activité de sous-traitance. Aujourd'hui le quartier paraît désert, hormis une activité industrielle résiduelle toujours présente au sein d'anciens bâtiments plus ou moins dégradés.
1.1.2.2. Les friches "outils"
Ce sont des friches qui sont remarquables en elles-mêmes, par leur nature, leur hauteur, leur caractère ponctuel et détaché. Elles se distinguent des autres car elles ont été modelées pour répondre à une fonction forte, exclusive. La difficulté pour ce genre de friche est de trouver une nouvelle utilité, car avec la perte de sa fonction, l'outil perd son sens. Le problème est de savoir si leur caractère "monumental", souvent esthétique et symbolique, vaut un investissement lourd pour une utilité limité.
> Les cales : C'est la forme caractéristique des chantiers navals. La fonction de la cale est de servir à la fois de support de construction et de moyen de lancement des navires. Il reste trois cales de l'ancien chantier naval Dubigeon : l'ancienne cale couverte qui a perdu l'atelier de préfabrication n°4 et qui maintenant se limite à un plan incliné en béton et deux cales sur voûtes datant de la fin du XIXe siècle qui sont plus remarquables.
> Les grues : Elles se distinguent par leur fonction (le levage) et leur hauteur importante qui les signale de loin et marque le paysage assez vide d'un caractère portuaire fort. La plupart des grues situées sur les quais et dans les chantiers navals ont été démontées. Seules restent une grue électrique quai d'Aiguillon, la grue sur le site des anciens chantiers Dubigeon à Chantenay et deux grues Titan (chantiers Dubigeon et pointe des Antilles). Ces dernières, construites dans les années 1950 par les établissements Joseph Paris, constitue, par leur allure grandiose et originale (couleur jaune, traits aux allures de robot et de fusée), un héritage intéressant de la vocation portuaire de Nantes.
1.1.2.3. Les friches "espaces"
Ces friches apparaissent davantage comme des terrains vagues où la nature a repris ses droits que comme des traces portuaires et industrielles. Pourtant l'ancienne vocation "habite" encore ces espaces, qui courent le risque d'être réaménagés comme des espaces vierges, sans prise en compte de leur histoire, de la logique du site, donc "banalisés".
> Le fleuve : La portion de fleuve jouxtant les quais délaissés constitue bien une friche portuaire, c'est-à-dire un espace qui a eu une vocation portuaire et qui est aujourd'hui délaissé. L'arrêt de l'entretien correspond à l'arrêt du dragage qui n'a plus d'utilité car les profondeurs même maximales deviennent insuffisantes, ce qui engendre un relèvement rapide des fonds. Le fleuve est l'espace-clé du délaissement, du fait de l'augmentation croissante des tirants d'eau et du coût des dragages. Cet entretien, très onéreux, devient rapidement démesuré par rapport aux potentialités économiques des zones desservies et est vite stoppé, ce qui sanctionne l'obsolescence des installations qui en dépendent directement.
> Les chantiers navals : C'est une des industries qui a subi le plus de mutations, l'obligeant sans cesse à évoluer et à se recomposer. Malgré cela, la fermeture définitive des chantiers Dubigeon, le dernier grand chantier naval nantais, intervient en juillet 1987 et ses conséquences se font encore lourdement ressentir aujourd'hui. Les seize hectares sur la Prairie-au-Duc constituaient un secteur extrêmement dense (grues, ateliers de fabrications, hangars) et animé. Cette vision contraste avec l'état de vacuité actuelle, le site ayant été en grande partie "déblayé" en 1989. Il reste aujourd'hui des signes (grue, bâtiment de direction, cales) qui doivent leur salut à l'avis défavorable pour leur démolition de l'architecte des Bâtiments de France [5]. Tout le reste a été détruit, ce qui en fait aujourd'hui une sorte de prairie sauvage parsemée de traces métalliques, récemment nettoyée et transformée en pelouse. Cependant cet espace n'est pas vide mais investi du poids de la mémoire et du passé, que même les démolitions et modifications n'ont pas réussi à effacer, et qui pèse fortement sur une reconversion.
1.1.3. Des espaces "stagnant" entre ville et port
L'interface ne constitue pas un "no-man's land [6]" délaissé entre la ville et le port, il apparaît plutôt comme un espace flou, un espace tampon, caractéristique des rapports contemporains entre les deux organismes. L'espace est encore souvent actif mais il est considéré comme "stagnant" car :
-Son modelage fonctionnel et son organisation le mettent en décalage à la fois avec la ville et le port actuel, ce qui lui donne un caractère figé, comme s'il était "englué" dans un passé dont il n'arrive pas à se défaire.
-L'incapacité actuelle de la ville et du port à redynamiser ce territoire le met en état de veille, d'attente. Il évolue peu et lentement.
-Il a des caractéristiques à la fois portuaires et urbaines qui se mélangent, dont les limites sont floues, lui donnant un statut peu définissable et identifiable par rapport à l'actuelle division fonctionnelle entre la ville et le port.
1.1.3.1. Incursions urbaines
Face au délaissement d'une grande partie de l'interface, la ville profite "naturellement" d'une partie des espaces offerts en plein cœur de son territoire pour y déployer certaines fonctions. Cela se traduit par un processus d'assimilation [7] dans une continuité historique (le port primitif ayant déjà été assimilé). Seulement cette fois ci, l'interface a une nature et des proportions telles, que la ville n'est capable, dans sa dynamique d'intégration, que d'incursions marginales et limitées (cf. figure n°5), une réintégration totale nécessitant un mécanisme long et complexe (cf. § 2.1.).
Ces friches sont constituées de bâtiments qui abritaient une fonction portuaire ou industrielle associée. Leur caractère bâti (fondations, matériaux, volumes) les rapprochent en partie des formes urbaines même si l'échelle est souvent différente. Elles peuvent ainsi parfois être utilisé plus facilement pour d'autres usages, en gardant et en adaptant la forme à un nouveau contenu.
> Les quais : Par leur importance et par leur forme, les quais peuvent être considéré à Nantes comme des bâtiments. Le site fluvial a déterminé des emprises portuaires linéaires, les berges étant progressivement aménagées en cales inclinées puis "bâties" en quais. Il reste le long du bras de la Madeleine environ 2.500 mètres de quais délaissés. Ce sont des quais verticaux (mur continu supporté généralement par des pilotis en bois) construits à la fin du XIXe, sur lesquels ont été greffées des estacades en ciment armé dans les années 1920 et 1930. Le système de rempiétement utilisé, en gagnant sur le fleuve, permet ainsi d'élargir des terre-pleins étriqués et d'accroître la profondeur d'eau disponible.
Même s'ils ont subi de nombreuses modifications pour être renforcés et modernisés, leur nature et leur situation sont devenus inappropriées. Perdant peu à peu leur utilité commerciale, le port les a peu entretenus et ils se sont très vite dégradés (cf. § 2.1.1.2.). Ils sont aujourd'hui hors-service et menacent même de s'écrouler. A ces quais, il faut ajouter quelques estacades privées qui desservaient les usines de Chantenay, et depuis 1995, la partie amont du quai Wilson (environ 500 mètres) en ciment armé des années 1920, rendue inaccessible par le pont des Trois Continents.
> Les hangars : Placés sur les terre-pleins en arrière des quais, les hangars étaient destinés à abriter la marchandise pour une courte durée. Ces formes ont été "vidées" de leur fonction avec la disparition de la marchandise. Bien que beaucoup aient disparu, une quinzaine de hangars de construction assez tardive (début du XXe siècle pour les plus anciens) sont présents:
-Cinq hangars composés de pans de brique soutenus par une structure métallique, construits vers 1910 (quai des Antilles et de la Fosse). Le type de construction détermine leur petite taille (moins de 1.000 m² chacun et pas d'étage).
-Cinq hangars suivant un mode de construction similaire mais composés de parpaings ce qui permet des surfaces plus importantes, jusqu'à 2.500 m² (quais de l'Aiguillon, Saint-Louis, et des Antilles).
-Trois hangars massifs en ciment armé caractéristiques des années 1930 (quais des Antilles et Wilson). Le matériau permet de grandes surface et la possibilité d'un étage, ce qui facilite le tri (à l'étage) et la redistribution (au rez-de-chaussée) de la marchandise.
-Deux hangars en tôle métallique (quai des Antilles). De petite taille (600 à 800 m²) mais de grande hauteur, ces formes récentes, sans véritables qualités esthétiques, sont assez faciles à détruire (démontage).
> Les friches industrielles et urbaines : Elles sont localisées dans les quartiers où l'activité portuaire a concentré des implantations industrielles et une forte main-d'oeuvre durant le XIXe et le XXe siècle. Le redéploiement industriel et portuaire et l'effondrement des besoins de main-d'oeuvre ont provoqué le déclin de ces quartiers qui sont aujourd'hui quasi-désertés par la population et où des friches sont apparues.
-Le Bas-Chantenay : Ce quartier a été le support de l'industrialisation à Nantes, concentrant au long du XIXe siècle une multitude d'industries (raffineries de sucre, conserveries, métallurgie, chantiers navals...). Les mutations l'ont lourdement touché mais les industries ont dans l'ensemble su s'adapter. D'importantes entreprises côtoient ou abritent des bâtiments abandonnés mais les friches étant assez éparpillées et minoritaires, le quartier ne paraît pas désolé mais juste vide et "d'un autre âge".
-La Prairie-au-Duc : Desservi par les quais André Rhuys et Fernand Crouan et par un réseau de canaux comblés au début du XXe siècle, le quartier abritait de nombreuses usines (métallurgie, engrais). Les chantiers navals voisins engendraient aussi toute une animation et une activité de sous-traitance. Aujourd'hui le quartier paraît désert, hormis une activité industrielle résiduelle toujours présente au sein d'anciens bâtiments plus ou moins dégradés.
1.1.2.2. Les friches "outils"
Ce sont des friches qui sont remarquables en elles-mêmes, par leur nature, leur hauteur, leur caractère ponctuel et détaché. Elles se distinguent des autres car elles ont été modelées pour répondre à une fonction forte, exclusive. La difficulté pour ce genre de friche est de trouver une nouvelle utilité, car avec la perte de sa fonction, l'outil perd son sens. Le problème est de savoir si leur caractère "monumental", souvent esthétique et symbolique, vaut un investissement lourd pour une utilité limité.
> Les cales : C'est la forme caractéristique des chantiers navals. La fonction de la cale est de servir à la fois de support de construction et de moyen de lancement des navires. Il reste trois cales de l'ancien chantier naval Dubigeon : l'ancienne cale couverte qui a perdu l'atelier de préfabrication n°4 et qui maintenant se limite à un plan incliné en béton et deux cales sur voûtes datant de la fin du XIXe siècle qui sont plus remarquables.
> Les grues : Elles se distinguent par leur fonction (le levage) et leur hauteur importante qui les signale de loin et marque le paysage assez vide d'un caractère portuaire fort. La plupart des grues situées sur les quais et dans les chantiers navals ont été démontées. Seules restent une grue électrique quai d'Aiguillon, la grue sur le site des anciens chantiers Dubigeon à Chantenay et deux grues Titan (chantiers Dubigeon et pointe des Antilles). Ces dernières, construites dans les années 1950 par les établissements Joseph Paris, constitue, par leur allure grandiose et originale (couleur jaune, traits aux allures de robot et de fusée), un héritage intéressant de la vocation portuaire de Nantes.
1.1.2.3. Les friches "espaces"
Ces friches apparaissent davantage comme des terrains vagues où la nature a repris ses droits que comme des traces portuaires et industrielles. Pourtant l'ancienne vocation "habite" encore ces espaces, qui courent le risque d'être réaménagés comme des espaces vierges, sans prise en compte de leur histoire, de la logique du site, donc "banalisés".
> Le fleuve : La portion de fleuve jouxtant les quais délaissés constitue bien une friche portuaire, c'est-à-dire un espace qui a eu une vocation portuaire et qui est aujourd'hui délaissé. L'arrêt de l'entretien correspond à l'arrêt du dragage qui n'a plus d'utilité car les profondeurs même maximales deviennent insuffisantes, ce qui engendre un relèvement rapide des fonds. Le fleuve est l'espace-clé du délaissement, du fait de l'augmentation croissante des tirants d'eau et du coût des dragages. Cet entretien, très onéreux, devient rapidement démesuré par rapport aux potentialités économiques des zones desservies et est vite stoppé, ce qui sanctionne l'obsolescence des installations qui en dépendent directement.
> Les chantiers navals : C'est une des industries qui a subi le plus de mutations, l'obligeant sans cesse à évoluer et à se recomposer. Malgré cela, la fermeture définitive des chantiers Dubigeon, le dernier grand chantier naval nantais, intervient en juillet 1987 et ses conséquences se font encore lourdement ressentir aujourd'hui. Les seize hectares sur la Prairie-au-Duc constituaient un secteur extrêmement dense (grues, ateliers de fabrications, hangars) et animé. Cette vision contraste avec l'état de vacuité actuelle, le site ayant été en grande partie "déblayé" en 1989. Il reste aujourd'hui des signes (grue, bâtiment de direction, cales) qui doivent leur salut à l'avis défavorable pour leur démolition de l'architecte des Bâtiments de France [5]. Tout le reste a été détruit, ce qui en fait aujourd'hui une sorte de prairie sauvage parsemée de traces métalliques, récemment nettoyée et transformée en pelouse. Cependant cet espace n'est pas vide mais investi du poids de la mémoire et du passé, que même les démolitions et modifications n'ont pas réussi à effacer, et qui pèse fortement sur une reconversion.
1.1.3. Des espaces "stagnant" entre ville et port
L'interface ne constitue pas un "no-man's land [6]" délaissé entre la ville et le port, il apparaît plutôt comme un espace flou, un espace tampon, caractéristique des rapports contemporains entre les deux organismes. L'espace est encore souvent actif mais il est considéré comme "stagnant" car :
-Son modelage fonctionnel et son organisation le mettent en décalage à la fois avec la ville et le port actuel, ce qui lui donne un caractère figé, comme s'il était "englué" dans un passé dont il n'arrive pas à se défaire.
-L'incapacité actuelle de la ville et du port à redynamiser ce territoire le met en état de veille, d'attente. Il évolue peu et lentement.
-Il a des caractéristiques à la fois portuaires et urbaines qui se mélangent, dont les limites sont floues, lui donnant un statut peu définissable et identifiable par rapport à l'actuelle division fonctionnelle entre la ville et le port.
1.1.3.1. Incursions urbaines
Face au délaissement d'une grande partie de l'interface, la ville profite "naturellement" d'une partie des espaces offerts en plein cœur de son territoire pour y déployer certaines fonctions. Cela se traduit par un processus d'assimilation [7] dans une continuité historique (le port primitif ayant déjà été assimilé). Seulement cette fois ci, l'interface a une nature et des proportions telles, que la ville n'est capable, dans sa dynamique d'intégration, que d'incursions marginales et limitées (cf. figure n°5), une réintégration totale nécessitant un mécanisme long et complexe (cf. § 2.1.).
Figure n°5 : Carte de localisation des activités
Ainsi, l'interface, faute d'être assimilée, est utilisée plus ou moins ponctuellement pour divers usages qui se limitent le plus souvent à une occupation temporaire et sans efforts d'aménagement. L'interface devient alors un support comme un autre où sont déployées un peu anarchiquement des fonctions en manque d'espace. Les berges ont ainsi souvent été dévolues à la voiture (stationnement sauvage ou organisé, voies rapides) ce qui accentue leur marginalisation et engendre une véritable coupure physique entre la ville et le fleuve qui va poser des problèmes d'accès au fleuve. Les hangars et les bâtiments industriels sont aussi souvent utilisés par des activités commerciales, artisanales ou culturelles (cf. figure n°5). Malgré cela, ces espaces sont toujours en friche, l'utilisation n'est qu'une solution d'attente avant de statuer sur le sort de la friche. Face à l'incapacité des acteurs à réagir, ce provisoire a tendance à durer.
Mais, la ville s'est aussi approprié plus profondément certaines portions de l'interface. Elle a commencé par ce qui était le plus facile, soit la frange la plus urbaine de l'interface qui est aussi la plus ancienne et la plus proche. Le quai de la Fosse a ainsi progressivement été intégré dans l'organisation urbaine, devenant un "prolongement" du centre-ville composés de services et de commerces traditionnels. Cette reconversion a été facilitée par la grande qualité du site, mais en voulant le "ramener" dans la ville il n'y a pas eu prise en compte de l'interface dans sa globalité, ce qui s'est traduit à la fois par une banalisation et une marginalisation, l'espace devenant alors une périphérie du centre-ville. Cet exemple montre que même si cette volonté de réappropriation est légitime, il est souvent dommageable de raisonner seul et au coup par coup dans le traitement de l'interface, le risque étant de lui ôter son unité et donc son sens.
1.1.3.2. Permanences portuaires et industrielles
Comme il a été souligné, l'interface n'est pas seulement un espace en friche. A Nantes, celle-ci garde une forte vocation industrielle et portuaire, même si elle n'est plus aussi exclusive et que le rôle du port est beaucoup plus marginal.
Le port maintient dans la mesure du possible une activité sur les quais, moins obsolètes, en ciment armé. Ce maintien permet de dynamiser en partie le territoire et d'entretenir plus ou moins directement une activité industrielle. Mais les industries encore présentes, si elles nécessitent parfois une présence portuaire, se sont le plus souvent adaptées et diversifiées vers d'autres secteurs moins liés au monde maritime (Acieries et Chantiers de Bretagne, Leroux & Lotz...), ce qui les rend moins dépendantes. Cependant les foyers d'activités industrielles se situent toujours majoritairement, dans l'orbite d'installations portuaires : partie Sud de l'Ile Sainte-Anne (quai Wilson) et partie Ouest du Bas-Chantenay (quai de Roche-Maurice).
Le quai Wilson connaît un trafic (278.000 tonnes en 1995) généré principalement par les industries qu'il dessert, principalement la raffinerie Beghin-Say pour l'importation de sucre brut. En arrière, sont implantées quelques industries "lourdes" (Aciers Chaillous, Société Nantaise des Engrais, Atlantique Bretagne Combustibles...) dont la localisation pourrait poser des problèmes de cohabitation avec de futurs usages urbains. Mais, l'activité économique du secteur gravite surtout autour de deux grands pôles : le Marché d'Intérêt National où transitent chaque année plus de 300.000 tonnes de primeurs et la gare de fret de la S.E.R.N.A.M. (220.000 tonnes en 1994) dont les activités génèrent des flux importants (environ 2.000 véhicules/jour pour le M.I.N.) et polarisent des entreprises de transport implantées majoritairement dans le quartier de la Prairie-au-Duc. Ce dernier abrite aussi une activité industrielle et artisanale résiduelle avec de nombreuses petites entreprises souvent familiales dans les secteurs du bâtiment et de la mécanique et toujours les A.C.B. aujourd'hui spécialisés dans les constructions métalliques et mécaniques qui restent une industrie très importante.
Le secteur du Bas-Chantenay, plus excentré, abrite des industries plus étendues et dans des secteurs plus "lourds" (entrepôts pétroliers, usines chimiques, de mécanique ou réparation navale...). Ces installations bénéficient de dessertes variées et performantes : le pont de Cheviré, le quai de Roche-Maurice (626.000 tonnes en 1995) et la gare de triage (238.000 tonnes en 1994).
A Nantes, l'interface ville/port ne constitue pas véritablement une frontière entre la ville et le port, les deux coexistent encore, ont des fonctions imbriquées mais il ne s'agit là que du contact entre une marge portuaire et une marge urbaine plutôt déclinantes, qui correspondent peu à la ville et au port actuels. La tendance générale reste au délaissement portuaire et à une certaine convoitise urbaine, qui se traduit par des incursions de la ville qui aimerait y développer à sa guise des activités lui correspondant. Ainsi l'interface correspond plus à un espace tampon décalé et temporaire qui appelle à un réaménagement. Théoriquement, la nature et l'enjeu de ce dernier doit donc être une véritable recomposition du contact entre la ville et le port dans leur forme contemporaine. Il reste à savoir de quelle nature sera ce contact.
Mais, la ville s'est aussi approprié plus profondément certaines portions de l'interface. Elle a commencé par ce qui était le plus facile, soit la frange la plus urbaine de l'interface qui est aussi la plus ancienne et la plus proche. Le quai de la Fosse a ainsi progressivement été intégré dans l'organisation urbaine, devenant un "prolongement" du centre-ville composés de services et de commerces traditionnels. Cette reconversion a été facilitée par la grande qualité du site, mais en voulant le "ramener" dans la ville il n'y a pas eu prise en compte de l'interface dans sa globalité, ce qui s'est traduit à la fois par une banalisation et une marginalisation, l'espace devenant alors une périphérie du centre-ville. Cet exemple montre que même si cette volonté de réappropriation est légitime, il est souvent dommageable de raisonner seul et au coup par coup dans le traitement de l'interface, le risque étant de lui ôter son unité et donc son sens.
1.1.3.2. Permanences portuaires et industrielles
Comme il a été souligné, l'interface n'est pas seulement un espace en friche. A Nantes, celle-ci garde une forte vocation industrielle et portuaire, même si elle n'est plus aussi exclusive et que le rôle du port est beaucoup plus marginal.
Le port maintient dans la mesure du possible une activité sur les quais, moins obsolètes, en ciment armé. Ce maintien permet de dynamiser en partie le territoire et d'entretenir plus ou moins directement une activité industrielle. Mais les industries encore présentes, si elles nécessitent parfois une présence portuaire, se sont le plus souvent adaptées et diversifiées vers d'autres secteurs moins liés au monde maritime (Acieries et Chantiers de Bretagne, Leroux & Lotz...), ce qui les rend moins dépendantes. Cependant les foyers d'activités industrielles se situent toujours majoritairement, dans l'orbite d'installations portuaires : partie Sud de l'Ile Sainte-Anne (quai Wilson) et partie Ouest du Bas-Chantenay (quai de Roche-Maurice).
Le quai Wilson connaît un trafic (278.000 tonnes en 1995) généré principalement par les industries qu'il dessert, principalement la raffinerie Beghin-Say pour l'importation de sucre brut. En arrière, sont implantées quelques industries "lourdes" (Aciers Chaillous, Société Nantaise des Engrais, Atlantique Bretagne Combustibles...) dont la localisation pourrait poser des problèmes de cohabitation avec de futurs usages urbains. Mais, l'activité économique du secteur gravite surtout autour de deux grands pôles : le Marché d'Intérêt National où transitent chaque année plus de 300.000 tonnes de primeurs et la gare de fret de la S.E.R.N.A.M. (220.000 tonnes en 1994) dont les activités génèrent des flux importants (environ 2.000 véhicules/jour pour le M.I.N.) et polarisent des entreprises de transport implantées majoritairement dans le quartier de la Prairie-au-Duc. Ce dernier abrite aussi une activité industrielle et artisanale résiduelle avec de nombreuses petites entreprises souvent familiales dans les secteurs du bâtiment et de la mécanique et toujours les A.C.B. aujourd'hui spécialisés dans les constructions métalliques et mécaniques qui restent une industrie très importante.
Le secteur du Bas-Chantenay, plus excentré, abrite des industries plus étendues et dans des secteurs plus "lourds" (entrepôts pétroliers, usines chimiques, de mécanique ou réparation navale...). Ces installations bénéficient de dessertes variées et performantes : le pont de Cheviré, le quai de Roche-Maurice (626.000 tonnes en 1995) et la gare de triage (238.000 tonnes en 1994).
A Nantes, l'interface ville/port ne constitue pas véritablement une frontière entre la ville et le port, les deux coexistent encore, ont des fonctions imbriquées mais il ne s'agit là que du contact entre une marge portuaire et une marge urbaine plutôt déclinantes, qui correspondent peu à la ville et au port actuels. La tendance générale reste au délaissement portuaire et à une certaine convoitise urbaine, qui se traduit par des incursions de la ville qui aimerait y développer à sa guise des activités lui correspondant. Ainsi l'interface correspond plus à un espace tampon décalé et temporaire qui appelle à un réaménagement. Théoriquement, la nature et l'enjeu de ce dernier doit donc être une véritable recomposition du contact entre la ville et le port dans leur forme contemporaine. Il reste à savoir de quelle nature sera ce contact.
[2] Direction Régionale Industrie Recherche Environnement
[3] Direction Régionale des Affaires Culturelles
[4] Pour plus de précisions au sujet des friches, voir BOUBACHA, E. (1996) Les friches portuaires à Nantes et à Bordeaux; pp.23-42
[5] Bâtiments entrant dans le périmètre de protection d'un monument historique (Eglise Notre-Dame de Bon-Port)
[6] HAYUTH, Y. (1982) "The port-urban interface : an area in transition" in Area n°14; pp.219-224
[7] VIGARIE, A. (1990) "Les fronts portuaires français : un problème régional ou international ?" in Les Cahiers Scientifiques du Transport n°21; p:117-132
[3] Direction Régionale des Affaires Culturelles
[4] Pour plus de précisions au sujet des friches, voir BOUBACHA, E. (1996) Les friches portuaires à Nantes et à Bordeaux; pp.23-42
[5] Bâtiments entrant dans le périmètre de protection d'un monument historique (Eglise Notre-Dame de Bon-Port)
[6] HAYUTH, Y. (1982) "The port-urban interface : an area in transition" in Area n°14; pp.219-224
[7] VIGARIE, A. (1990) "Les fronts portuaires français : un problème régional ou international ?" in Les Cahiers Scientifiques du Transport n°21; p:117-132