Les friches portuaires à Nantes et à Bordeaux
PREMIÈRE PARTIE : Le phénomène des friches portuaires au cœur des relations ville / port
1.3. Des espaces "stagnant" entre ville et port
Après avoir identifié les friches portuaires, il nous faut maintenant les replacer dans leur contexte et se pencher sur les espaces portuaires délaissés dans leur ensemble. Ceux-ci sont considérés comme "stagnant" entre ville et port car :
-ils évoluent peu et lentement, étant dans leur état actuel plus une gêne pour la ville et le port, car colportant une image négative. Leur surface et leur état ne permettent pas de reconversion rapide et radicale.
-ils sont indéfinis, flous, avec des caractéristiques à la fois portuaires et urbaines. Souvent sous gestion du port, ils sont quand même un élément de la ville. Mais leur atmosphère de désolation leur donne un caractère extraterritorial.
-ils abritent des activités en rapport avec la ville et le port. Ces espaces ne sont pas complètement morts, ils sont utilisés par des activités diverses. De plus, leur réaménagement est encore indécis et hésite entre ville et port.
Les caractéristiques actuelles de ces espaces, leur composition peuvent apparaître comme des contraintes ou des opportunités. On considère souvent à tort, que ces espaces sont vides et qu'ils peuvent être réaménagés librement. Or ils ont leur caractère, leur histoire, et sont parfois encore partiellement utilisés.
1.3.1. Des espaces spécifiques et marginaux
Les espaces portuaires délaissés sont marginaux, tout d'abord parce qu'ils ont eu une évolution correspondant aux exigences portuaires, qui ont divergé de celles de la ville. Leur modelage fonctionnel et l'aspect industriel ont provoqué un désintérêt de ces dernières qui se sont détournées des berges. Le délaissement, et la dégradation qu'il a engendrée, ont continué à en faire des espaces rejetés.
1.3.1.1. Des espaces "hors-la ville"
Le délaissement, la dégradation, le vide apparaissent comme une anomalie dans un milieu urbain dense et agité. Les hommes ont disparu, la rouille est apparue, la nature a repris ses droits; tout cet amalgame à la fois métallique et sauvage donne à ces espaces un caractère insolite et apocalyptique. Ce paysage symbolise la mort, le déclin, la déchéance. L'atmosphère qui y règne est étrange et mystérieuse. La production est partie, mais c'est la civilisation qui semble avoir disparu.
Quand on parcourt cet espace, Même s'il est au coeur des agglomérations, on a l'impression d'être "ailleurs", dans une zone où ni le temps, ni l'espace ne fonctionnent normalement. On se sent libre d'aller où on veut, il n'y a plus de repère, rien n'est fait pour nous attirer, nous bousculer, on peut errer sans but. On se retrouve dans un environnement inutile, ce qui en fait un lieu rare dans une ville monopolisée par le fonctionnel. Le silence et le chaos nous rendent songeur et l'on se prend à rêver, à imaginer.
«Château d'Otrante ou cadavre industriel, cloître hirsute de Bomarzo ou terrils, l'arrêt cataleptique du labeur productif délivre l'imaginaire. La friche, on l'avait pressenti, c'est l'inutilité. La non-rentabilité. La liberté. La poésie [14]».
A Nantes, on retrouve une telle ambiance sur la Prairie-au-Duc. Pourtant à portée de voix du quai de la Fosse (à 120 mètres), le site des anciens chantiers navals ne semble pas faire partie du même monde. En changeant de rive, on passe des voitures, du tramway, des magasins... à une sorte de prairie métallique et campagnarde avec de la végétation (peupliers, genêts, bugleïas, herbe...) qui pousse parmi les rails et des animaux (lapins, ragondins, mouettes, chats, papillons...), et si l'on se risque sur les quais, le fleuve parait, de ce côté, étrangement plus puissant et plus sauvage.
A Bordeaux, sur la rive droite, on retrouve une telle atmosphère. Le centre-ville, de l'autre côté du fleuve parait comme un mirage à l'horizon. Les bâtiments sont devenus des ruines, les ordures s'entassent, les routes sont fissurées, des wagons sont restés sur place comme si l'activité s'était arrêtée brusquement (cf. fig. n°22). Ce tel contraste d'une rive à l'autre marque fortement l'esprit des Bordelais, qui ont tendance à s'imaginer que leur ville prend fin avec le fleuve avec le fleuve, qui a ici des allures maritimes et frontalières.
Les friches, «Ces clairières urbaines contre nature, ces enclos de solitude amis du vent, restitués à la sauvagerie et aux plantes folles, et où il semble qu'on a semé du sel, je ne me lasserais pas aisément de les arpenter: l'air qui les balaie, pour toute place nette que le hasard a faite ici de l'allusion étouffante du souvenir, a plus qu'ailleurs un goût de liberté [15]».
-ils évoluent peu et lentement, étant dans leur état actuel plus une gêne pour la ville et le port, car colportant une image négative. Leur surface et leur état ne permettent pas de reconversion rapide et radicale.
-ils sont indéfinis, flous, avec des caractéristiques à la fois portuaires et urbaines. Souvent sous gestion du port, ils sont quand même un élément de la ville. Mais leur atmosphère de désolation leur donne un caractère extraterritorial.
-ils abritent des activités en rapport avec la ville et le port. Ces espaces ne sont pas complètement morts, ils sont utilisés par des activités diverses. De plus, leur réaménagement est encore indécis et hésite entre ville et port.
Les caractéristiques actuelles de ces espaces, leur composition peuvent apparaître comme des contraintes ou des opportunités. On considère souvent à tort, que ces espaces sont vides et qu'ils peuvent être réaménagés librement. Or ils ont leur caractère, leur histoire, et sont parfois encore partiellement utilisés.
1.3.1. Des espaces spécifiques et marginaux
Les espaces portuaires délaissés sont marginaux, tout d'abord parce qu'ils ont eu une évolution correspondant aux exigences portuaires, qui ont divergé de celles de la ville. Leur modelage fonctionnel et l'aspect industriel ont provoqué un désintérêt de ces dernières qui se sont détournées des berges. Le délaissement, et la dégradation qu'il a engendrée, ont continué à en faire des espaces rejetés.
1.3.1.1. Des espaces "hors-la ville"
Le délaissement, la dégradation, le vide apparaissent comme une anomalie dans un milieu urbain dense et agité. Les hommes ont disparu, la rouille est apparue, la nature a repris ses droits; tout cet amalgame à la fois métallique et sauvage donne à ces espaces un caractère insolite et apocalyptique. Ce paysage symbolise la mort, le déclin, la déchéance. L'atmosphère qui y règne est étrange et mystérieuse. La production est partie, mais c'est la civilisation qui semble avoir disparu.
Quand on parcourt cet espace, Même s'il est au coeur des agglomérations, on a l'impression d'être "ailleurs", dans une zone où ni le temps, ni l'espace ne fonctionnent normalement. On se sent libre d'aller où on veut, il n'y a plus de repère, rien n'est fait pour nous attirer, nous bousculer, on peut errer sans but. On se retrouve dans un environnement inutile, ce qui en fait un lieu rare dans une ville monopolisée par le fonctionnel. Le silence et le chaos nous rendent songeur et l'on se prend à rêver, à imaginer.
«Château d'Otrante ou cadavre industriel, cloître hirsute de Bomarzo ou terrils, l'arrêt cataleptique du labeur productif délivre l'imaginaire. La friche, on l'avait pressenti, c'est l'inutilité. La non-rentabilité. La liberté. La poésie [14]».
A Nantes, on retrouve une telle ambiance sur la Prairie-au-Duc. Pourtant à portée de voix du quai de la Fosse (à 120 mètres), le site des anciens chantiers navals ne semble pas faire partie du même monde. En changeant de rive, on passe des voitures, du tramway, des magasins... à une sorte de prairie métallique et campagnarde avec de la végétation (peupliers, genêts, bugleïas, herbe...) qui pousse parmi les rails et des animaux (lapins, ragondins, mouettes, chats, papillons...), et si l'on se risque sur les quais, le fleuve parait, de ce côté, étrangement plus puissant et plus sauvage.
A Bordeaux, sur la rive droite, on retrouve une telle atmosphère. Le centre-ville, de l'autre côté du fleuve parait comme un mirage à l'horizon. Les bâtiments sont devenus des ruines, les ordures s'entassent, les routes sont fissurées, des wagons sont restés sur place comme si l'activité s'était arrêtée brusquement (cf. fig. n°22). Ce tel contraste d'une rive à l'autre marque fortement l'esprit des Bordelais, qui ont tendance à s'imaginer que leur ville prend fin avec le fleuve avec le fleuve, qui a ici des allures maritimes et frontalières.
Les friches, «Ces clairières urbaines contre nature, ces enclos de solitude amis du vent, restitués à la sauvagerie et aux plantes folles, et où il semble qu'on a semé du sel, je ne me lasserais pas aisément de les arpenter: l'air qui les balaie, pour toute place nette que le hasard a faite ici de l'allusion étouffante du souvenir, a plus qu'ailleurs un goût de liberté [15]».
Figure n°22 : La rive droite en face du cours du Médoc à Bordeaux
Cette liberté attire le marginal : les gens du voyage (Queyries), les squatters, les échanges nocturnes (un hangar à Bordeaux). De plus, l'expression de la décadence industrielle devient un terrain fertile pour les activités culturelles de mouvance postindustrielle (rave parties dans les hangars) et artistiques (Blockhaus à Nantes, "fresques" sur les murs, A.P. 5 qui abritait la troupe Royal de Luxe).
Mais, ces lieux déserts, sales et trop calmes font peur. Les citadins en ont généralement une image négative et ne font qu'y passer rapidement en voiture. A Bordeaux, les bassins à flot et la rive droite sont réputés risqués. La désolation repousse, elle engendre des clichés, ce qui pèse sur une réappropriation des lieux dans les esprits. La perception et les habitudes des citadins sont difficiles à changer mais c'est une condition nécessaire pour la réussite de toute tentative de transformation de ces espaces.
1.3.1.2. Les relations de la ville avec son fleuve
Les deux villes se sont développées directement en rapport avec l'eau. Toutes les deux en fond d'estuaire, elles s'étalent le long du fleuve en privilégiant une seule rive. La difficulté du franchissement ne permet pas un développement symétrique (Il fallait six ponts pour franchir le fleuve à Nantes et à Bordeaux la Garonne a une largeur d'environ 400 mètres ce qui rend la réalisation d'ouvrages difficile). L'effet de coupure est donc notable pour les deux villes, l'eau apparaît comme un obstacle à l'unité urbaine et à la cohérence du tissu urbain.
Bien que les centres-villes fussent très liés au fleuve, l'eau était déjà connotée négativement : épidémies, invasions, saleté. Pendant longtemps, la ville est restée abritée par des murailles (les portes à Bordeaux qui ouvrent mais aussi ferment la ville au fleuve). Le caractère répulsif des berges s'est accentué durant l'âge industriel : ambiance polluée, fonctionnelle, faible accessibilité, insécurité. Mais les quais étaient tout de même fréquentés par les nombreuses personnes vivant des industries et du port.
Vers 1920: «L'île Beaulieu, spacieuse, n'a jamais été pour Nantes qu'une décharge commode, une Z.I.P. vouée aux voies de triage et aux embranchements industriels, aux entrepôts de marchandises polluantes; herbeuse et inoccupée à sa pointe amont, envahie à l'aval par les forêts de poutres métalliques dressées, les cales retentissantes de la construction navale, elle n'est qu'une double chaussée entre les ponts (...) habiter l'île Beaulieu ne pouvait relever que d'un assujettissement professionnel contraignant : aiguilleur à la gare d'Etat ou soudeur aux chantiers Dubigeon [16]".
Tout cela contribue à éloigner les citadins et à localiser les fonctions centrales vers l'intérieur. A Nantes, le château, l'enceinte médiévale, puis le quai de la Fosse plaçaient la ville directement en bordure de fleuve. Mais, à l'époque moderne, la centralité migre rapidement vers les hauteurs de la rive Nord (Place Royale, Place Graslin). La localisation d'éléments centraux (Mairie, Palais de Justice) ignore l'existence du fleuve. De plus, la dissociation entre le centre et l'eau est artificiellement accentuée, entre les deux guerres, du fait du comblement d'une partie de l'Erdre et de bras de la Loire. Cet épisode marque fortement la ville, qui tourne radicalement le dos au fleuve, en le chassant de ses murs. La Bourse, en bord de Loire, se retrouve ceinturée de boulevards, les quais deviennent des allées. Où était l'eau va dominer la voiture. Après la deuxième guerre mondiale, les ensembles du secteur tertiaire apparaissent sans aucun lien avec le fleuve : réhabilitation des rues commerçantes proches de la rue Crébillon, construction de la Tour de Bretagne. Le départ progressif du port et de l'activité qu'il suscitait vont condamner les quais à être de plus en plus déserts. Outre la circulation automobile, ils ne sont plus un espace de flux, plus rien n'y attire les habitants.
"L'aspect des rives garde ici la marque d'un aménagement sommaire, qui va au plus pressé et remet à plus tard les finitions; la Loire n'a pas été seulement chassée du centre de la ville : elle semble avoir été traitée comme une servitude gênante et polluante, comme une de ces déviations routières, soigneusement tenues à distance, isolées de la ville qu'elles contournent, qui coupent droit leur chemin à travers des friches banlieusardes, et dont la végétation n'a pas encore eu le temps de cicatriser les écorchures et les éboulis [17]".
A Bordeaux, la même mise à l'écart de l'eau se retrouve. Le centre se déplace peu à peu vers l'intérieur (Mairie, Cathédrale Saint-André). Le phénomène a été particulièrement accentué, durant les dernières décennies, par l'implantation d'un hypercentre éloigné des berges: le centre directionnel de Mériadeck, regroupant les fonctions tertiaires supérieures administratives, culturelles et commerciales. La réalisation de l'ensemble piétonnier commercial de la rue Sainte-Catherine concentre les flux. Les quais ne semblent aujourd'hui qu'un espace de circulation et de stationnement pratique au débouché des cours. L'eau a cessé d'être perçue comme une richesse s'exprimant par le port, ou comme un moyen de transport. A Bordeaux, le fleuve apparaît comme une véritable frontière, la limite de la ville. Dans les esprits, les habitants de la rive droite n'habite pas Bordeaux, ils habitent La Bastide, faubourg qui parait lointain et qui n'a jamais concentré de fonctions centrales (sauf la première gare, quand on ne pouvait pas encore faire passer les trains au-dessus du fleuve.
Mais, ces lieux déserts, sales et trop calmes font peur. Les citadins en ont généralement une image négative et ne font qu'y passer rapidement en voiture. A Bordeaux, les bassins à flot et la rive droite sont réputés risqués. La désolation repousse, elle engendre des clichés, ce qui pèse sur une réappropriation des lieux dans les esprits. La perception et les habitudes des citadins sont difficiles à changer mais c'est une condition nécessaire pour la réussite de toute tentative de transformation de ces espaces.
1.3.1.2. Les relations de la ville avec son fleuve
Les deux villes se sont développées directement en rapport avec l'eau. Toutes les deux en fond d'estuaire, elles s'étalent le long du fleuve en privilégiant une seule rive. La difficulté du franchissement ne permet pas un développement symétrique (Il fallait six ponts pour franchir le fleuve à Nantes et à Bordeaux la Garonne a une largeur d'environ 400 mètres ce qui rend la réalisation d'ouvrages difficile). L'effet de coupure est donc notable pour les deux villes, l'eau apparaît comme un obstacle à l'unité urbaine et à la cohérence du tissu urbain.
Bien que les centres-villes fussent très liés au fleuve, l'eau était déjà connotée négativement : épidémies, invasions, saleté. Pendant longtemps, la ville est restée abritée par des murailles (les portes à Bordeaux qui ouvrent mais aussi ferment la ville au fleuve). Le caractère répulsif des berges s'est accentué durant l'âge industriel : ambiance polluée, fonctionnelle, faible accessibilité, insécurité. Mais les quais étaient tout de même fréquentés par les nombreuses personnes vivant des industries et du port.
Vers 1920: «L'île Beaulieu, spacieuse, n'a jamais été pour Nantes qu'une décharge commode, une Z.I.P. vouée aux voies de triage et aux embranchements industriels, aux entrepôts de marchandises polluantes; herbeuse et inoccupée à sa pointe amont, envahie à l'aval par les forêts de poutres métalliques dressées, les cales retentissantes de la construction navale, elle n'est qu'une double chaussée entre les ponts (...) habiter l'île Beaulieu ne pouvait relever que d'un assujettissement professionnel contraignant : aiguilleur à la gare d'Etat ou soudeur aux chantiers Dubigeon [16]".
Tout cela contribue à éloigner les citadins et à localiser les fonctions centrales vers l'intérieur. A Nantes, le château, l'enceinte médiévale, puis le quai de la Fosse plaçaient la ville directement en bordure de fleuve. Mais, à l'époque moderne, la centralité migre rapidement vers les hauteurs de la rive Nord (Place Royale, Place Graslin). La localisation d'éléments centraux (Mairie, Palais de Justice) ignore l'existence du fleuve. De plus, la dissociation entre le centre et l'eau est artificiellement accentuée, entre les deux guerres, du fait du comblement d'une partie de l'Erdre et de bras de la Loire. Cet épisode marque fortement la ville, qui tourne radicalement le dos au fleuve, en le chassant de ses murs. La Bourse, en bord de Loire, se retrouve ceinturée de boulevards, les quais deviennent des allées. Où était l'eau va dominer la voiture. Après la deuxième guerre mondiale, les ensembles du secteur tertiaire apparaissent sans aucun lien avec le fleuve : réhabilitation des rues commerçantes proches de la rue Crébillon, construction de la Tour de Bretagne. Le départ progressif du port et de l'activité qu'il suscitait vont condamner les quais à être de plus en plus déserts. Outre la circulation automobile, ils ne sont plus un espace de flux, plus rien n'y attire les habitants.
"L'aspect des rives garde ici la marque d'un aménagement sommaire, qui va au plus pressé et remet à plus tard les finitions; la Loire n'a pas été seulement chassée du centre de la ville : elle semble avoir été traitée comme une servitude gênante et polluante, comme une de ces déviations routières, soigneusement tenues à distance, isolées de la ville qu'elles contournent, qui coupent droit leur chemin à travers des friches banlieusardes, et dont la végétation n'a pas encore eu le temps de cicatriser les écorchures et les éboulis [17]".
A Bordeaux, la même mise à l'écart de l'eau se retrouve. Le centre se déplace peu à peu vers l'intérieur (Mairie, Cathédrale Saint-André). Le phénomène a été particulièrement accentué, durant les dernières décennies, par l'implantation d'un hypercentre éloigné des berges: le centre directionnel de Mériadeck, regroupant les fonctions tertiaires supérieures administratives, culturelles et commerciales. La réalisation de l'ensemble piétonnier commercial de la rue Sainte-Catherine concentre les flux. Les quais ne semblent aujourd'hui qu'un espace de circulation et de stationnement pratique au débouché des cours. L'eau a cessé d'être perçue comme une richesse s'exprimant par le port, ou comme un moyen de transport. A Bordeaux, le fleuve apparaît comme une véritable frontière, la limite de la ville. Dans les esprits, les habitants de la rive droite n'habite pas Bordeaux, ils habitent La Bastide, faubourg qui parait lointain et qui n'a jamais concentré de fonctions centrales (sauf la première gare, quand on ne pouvait pas encore faire passer les trains au-dessus du fleuve.
Figure n°23 : Les quais à Bordeaux : une barrière entre le fleuve et la ville
A Nantes, une certaine dispersion des éléments clés de la centralité notamment dans l'île Beaulieu a été tentée mais les ambitions étaient trop grandes, et l'opération a en partie échoué. Mais récemment, on peut noter l'implantation de bâtiments en bordure de fleuve : Hôtel de Région, tertiaire de bureaux, qui illustrent le nouvel attrait des berges, même si dans ce cas l'île est ceinturée de boulevards. A Bordeaux, la réhabilitation actuelle des quartiers Saint-Pierre et Saint-Michel ne prend pas en compte les quais pourtant à proximité. Des réalisations comme la Cité Mondiale du Vin ou le musée d'art contemporain dans l'Entrepôt Lainé sont minimes et pas suffisamment attractives.
Aujourd'hui encore, le fleuve ne constitue pas un élément majeur de ces deux villes. Il représente encore un obstacle à franchir pour la circulation automobile. Les habitants attachent peu d'importance au fait qu'ils habitent près du fleuve ou pas. Cependant, on assiste, depuis quelques années, à un phénomène majeur de l'aménagement urbain qui est une volonté d'intégrer l'eau dans la ville et de retrouver le contact avec l'élément aquatique. Avec le départ des activités industrielles et portuaires, le calme et la sérénité du fleuve commencent à séduire les habitants et les investisseurs, qui y voient un moyen de plus-value.
Récemment, la tendance s'accentue de plus en plus. La municipalité nantaise avec sa volonté d'un "retour de Nantes vers l'eau perdue" n'en est encore qu'à ses débuts mais on peut noter quelques signes comme l'aménagement des rives de l'Erdre et de l'île Versailles, la revitalisation du canal Saint-Félix avec la gare du T.G.V. Atlantique et le Palais des Congrès sur un modèle ressemblant aux docks britanniques. Le projet de "nouvelle centralité" prévoit une prise en compte et une ouverture sur le fleuve. Alain JUPPE et Jean-Marc AYRAULT, maires de Bordeaux et de Nantes, veulent tous les deux "réintégrer le fleuve à la ville" et en fond un thème électoral. Les habitants commencent à vouloir jouir du fleuve pour améliorer leur cadre de vie. Ce nouvel intérêt entre en contradiction avec le caractère négatif des friches portuaires qui bordent le fleuve.
1.3.2. La présence de la ville et du port
Malgré leur atmosphère désolée, ces espaces ne sont pas complètement vides. Même si le port les a peu à peu délaissés, et si la ville s'en est désintéressée, leur appartenance aux systèmes urbain et portuaire se traduit par quelques utilisations et activités, même si elles sont certes limitées. Dans cette interface, le port et la ville coexistent encore, leurs limites territoriales sont assez floues. Ainsi les secteurs de friches constituent des espaces "tampons" demandant à être reconquis par ces deux protagonistes.
1.3.2.1. Assimilations et utilisations urbaines
> Certains espaces qui perdent leur utilité lors du départ du port, ne passent pas ou peu par le stade de friche. C'est le cas par exemple, de bâtiments dont l'existence est due au port mais qui ont des caractéristiques urbaines. Le système urbano-portuaire a donné naissance à des espaces urbains fortement influencés par le port. Celui-ci engendrait toute une animation, il existait un quartier du port, quartier urbain directement influencé par les activités maritimes, zone hybride qu'André VIGARIE qualifie de "front portuaire[18]". Jouxtant les installations portuaires, ils concentraient les personnes qui vivaient du port (logements de négociants et de travailleurs) et les activités pour les nombreux hommes d'équipage dont les bateaux restaient longtemps à quai (diverses petites boutiques, bars, maisons closes).
A Nantes et à Bordeaux, le quartier du port s'allongeait le long de la rive localisant le centre-ville. Au XVIIIe siècle, c'est là que les négociants et les armateurs batissent leurs hôtels, donnant directement sur les navires et la marchandise. Les rues étroites perpendiculaires aux quais, quant à elles, sont beaucoup plus populaires et foisonnent d'activités plus ou moins louches. Dans les deux ports, les bâtiments ont été conservés et les façades monumentales du XVIIIe siècle (Fosse et Chartrons) existent toujours. Leur existence et leur forme étaient liées à l'activité du port : au rez-de-chaussée se trouvaient les magasins pour les épices et les denrées chères; à l'entresol, les bureaux; à l'étage noble, les pièces de réception; aux étages, les logements des capitaines et officiers. Le port a maintenant disparu, mais ces quartiers n'ont pas été pour autant délaissés. Tout d'abord, l'industrie n'y a jamais été très présente, le négoce et l'entrepôt prédominaient. Ces espaces constituent la frange de l'interface ville/port la plus intégrée à la ville, il n'y avait pas vraiment de coupure fonctionnelle.
Quand le port se retire, la ville assimile donc facilement ces quartiers. Les activités, qui n'ont plus lieu d'être, sont remplacées par des services et des commerces sans aucun rapport avec le port. La forme des bâtiments et leur qualité architecturale facilitent la reconversion. A Nantes et à Bordeaux, une partie de ces fronts portuaires fait aujourd'hui partie du secteur sauvegardé du centre-ville. L'architecture fonctionnelle n'est plus qu'un décor et les hôtels d'armateurs ont été standardisés en appartements. Les formes n'ont pas nécessité de réaménagement profond pour être mises en valeur. La ville a récupéré l'histoire du port et la beauté des bâtiments à son seul profit, mais elle a gommé leur spécificité portuaire et les a "banalisés". Le pittoresque et la population ont disparu. Les fronts portuaires sont devenus des quartiers comme les autres.
"Tout cet arrière-pays du port, clandestin, frôleur, secrètement grouillant, et d'où se dégageait une attirance vénéneuse, s'est aujourd'hui métamorphosé. (...) Du quai, on voit tomber, sur les ruelles pentues qui le desservent par l'arrière, un grand jour aseptique qui met en fuite les fantômes, et restitue l'arrière-pays de la Fosse à toute la banalité des quartiers rénovés. (...) Même la rue la plus chaude, la rue des Trois-Mâtelots, qui portait un si joli nom de vieille chanson paillarde, a été débaptisée, en manière, je pense, de conjuration [19]".
Mais, ces fronts portuaires conservent tout de même des traces de leur ancienne vocation. Des commerces sont toujours là pour nous signaler la présence des quais : accastillage, restaurants, bars. A Bordeaux, ils abritent encore une population modeste et cosmopolite. A Nantes, une partie du quai de la Fosse reste encore marquée par le port (Siège du Port Autonome, sociétés portuaires). Mais les héritages les plus durables résident dans les légendes et la réputation de ces quartiers. Ils sont encore fréquentés la nuit et réputés chauds. Des histoires et des anecdotes de marins à leur sujet marquent toujours l'imaginaire des citadins.
> Les friches portuaires, pour la plupart, souffrent d'une image extrêmement négative qui pèse sur une réappropriation des lieux (notamment par les investisseurs). De plus, les superficies empêchent ou limitent le plus souvent une reconquête spontanée qui n'est souvent pas à l'échelle des collectivités locales concernées. Les friches ne sont pas pour autant toutes laissées à l'abandon. L'absence de perspective de réutilisation conduit à des usages plus ou moins sauvages ou précaires, qui accueillent, de manière provisoire, diverses activités. Certains bâtiments s'y prêtent plus que d'autres (hangars, terrains vagues). Mais ces utilisations ne constituent pas des reconversions. On profite des surfaces offertes, sans engager de véritables travaux pour les adapter à leur nouvelle fonction. Les volumes importants sont difficiles à occuper ainsi on y trouve essentiellement des activités demandant de l'espace (parking, stockage, entrepôt vente...), qui sont attirées par le faible coût des terrains.
- L'une des premières utilisations, a été le stationnement automobile, généralement sauvage, qui trouvent là un terrain propice, de vastes étendues non loin des centres-villes saturés et payants (cf. fig n°8). Cette occupation accentue encore plus le caractère anarchique de ces espaces. Face à ce phénomène, les villes ont essayé de réglementer : marquage au sol (quai Fernand Crouan), gabions à Bordeaux (paquets de pavés grillagés interdisant l'accès aux voitures). Elles ont même à leur tour créé des parcs de stationnement payants : Les terrasses des hangars n°5 et 7, le hangar n°3 souterrain, le parking "Bourse - hangar 5" de 195 places à Bordeaux.
L'automobile s'est aussi approprié ces espaces à travers la construction de routes. Durant les années 1960 et 1970, des voies rapides pouvant desservir les centres-villes, ont été construites le long des berges. Ce phénomène fait perdurer la coupure avec le fleuve, ces routes représentant des barrières difficiles à franchir pour les piétons. A Bordeaux, les voies routières longeant les quais, concentrent l'essentiel du trafic Nord-Sud de l'agglomération, avec un intense trafic d'environ 100.000 véhicules/jour (cf. fig. n°23). A Nantes aussi, ces routes et ces parkings font des quais une marge destinée à la seule voiture. Cette circulation pose de lourdes contraintes. Ces créations sont aujourd'hui rejetées, mais le trafic existant ne peut être supprimé ou dévié, il faut donc composer avec et prévoir des accès pour rétablir le contact des quais avec le tissu urbain.
- Beaucoup de hangars, du fait de leur localisation, de l'espace disponible et des possibilités de stationnement, sont le cadre de manifestations diverses. A Bordeaux : expositions (hangar n°16), concerts (hangar n°5 capacité de 800 personnes), salons (du mariage, des antiquaires), événements (obsèques de F. MITTERRAND retransmises devant 1300 personnes au hangar n°15), etc (cf. fig n°25). Le hangar n°5 est celui qui en abrite le plus du fait de sa surface et de sa situation centrale en face de la Place de la Bourse. A Nantes, l'ancien A.P. 3 avait servi de théâtre et l'ancienne usine à engrais, quai André Rhuys, de salle de spectacle pour le festival des Allumés.
Aujourd'hui encore, le fleuve ne constitue pas un élément majeur de ces deux villes. Il représente encore un obstacle à franchir pour la circulation automobile. Les habitants attachent peu d'importance au fait qu'ils habitent près du fleuve ou pas. Cependant, on assiste, depuis quelques années, à un phénomène majeur de l'aménagement urbain qui est une volonté d'intégrer l'eau dans la ville et de retrouver le contact avec l'élément aquatique. Avec le départ des activités industrielles et portuaires, le calme et la sérénité du fleuve commencent à séduire les habitants et les investisseurs, qui y voient un moyen de plus-value.
Récemment, la tendance s'accentue de plus en plus. La municipalité nantaise avec sa volonté d'un "retour de Nantes vers l'eau perdue" n'en est encore qu'à ses débuts mais on peut noter quelques signes comme l'aménagement des rives de l'Erdre et de l'île Versailles, la revitalisation du canal Saint-Félix avec la gare du T.G.V. Atlantique et le Palais des Congrès sur un modèle ressemblant aux docks britanniques. Le projet de "nouvelle centralité" prévoit une prise en compte et une ouverture sur le fleuve. Alain JUPPE et Jean-Marc AYRAULT, maires de Bordeaux et de Nantes, veulent tous les deux "réintégrer le fleuve à la ville" et en fond un thème électoral. Les habitants commencent à vouloir jouir du fleuve pour améliorer leur cadre de vie. Ce nouvel intérêt entre en contradiction avec le caractère négatif des friches portuaires qui bordent le fleuve.
1.3.2. La présence de la ville et du port
Malgré leur atmosphère désolée, ces espaces ne sont pas complètement vides. Même si le port les a peu à peu délaissés, et si la ville s'en est désintéressée, leur appartenance aux systèmes urbain et portuaire se traduit par quelques utilisations et activités, même si elles sont certes limitées. Dans cette interface, le port et la ville coexistent encore, leurs limites territoriales sont assez floues. Ainsi les secteurs de friches constituent des espaces "tampons" demandant à être reconquis par ces deux protagonistes.
1.3.2.1. Assimilations et utilisations urbaines
> Certains espaces qui perdent leur utilité lors du départ du port, ne passent pas ou peu par le stade de friche. C'est le cas par exemple, de bâtiments dont l'existence est due au port mais qui ont des caractéristiques urbaines. Le système urbano-portuaire a donné naissance à des espaces urbains fortement influencés par le port. Celui-ci engendrait toute une animation, il existait un quartier du port, quartier urbain directement influencé par les activités maritimes, zone hybride qu'André VIGARIE qualifie de "front portuaire[18]". Jouxtant les installations portuaires, ils concentraient les personnes qui vivaient du port (logements de négociants et de travailleurs) et les activités pour les nombreux hommes d'équipage dont les bateaux restaient longtemps à quai (diverses petites boutiques, bars, maisons closes).
A Nantes et à Bordeaux, le quartier du port s'allongeait le long de la rive localisant le centre-ville. Au XVIIIe siècle, c'est là que les négociants et les armateurs batissent leurs hôtels, donnant directement sur les navires et la marchandise. Les rues étroites perpendiculaires aux quais, quant à elles, sont beaucoup plus populaires et foisonnent d'activités plus ou moins louches. Dans les deux ports, les bâtiments ont été conservés et les façades monumentales du XVIIIe siècle (Fosse et Chartrons) existent toujours. Leur existence et leur forme étaient liées à l'activité du port : au rez-de-chaussée se trouvaient les magasins pour les épices et les denrées chères; à l'entresol, les bureaux; à l'étage noble, les pièces de réception; aux étages, les logements des capitaines et officiers. Le port a maintenant disparu, mais ces quartiers n'ont pas été pour autant délaissés. Tout d'abord, l'industrie n'y a jamais été très présente, le négoce et l'entrepôt prédominaient. Ces espaces constituent la frange de l'interface ville/port la plus intégrée à la ville, il n'y avait pas vraiment de coupure fonctionnelle.
Quand le port se retire, la ville assimile donc facilement ces quartiers. Les activités, qui n'ont plus lieu d'être, sont remplacées par des services et des commerces sans aucun rapport avec le port. La forme des bâtiments et leur qualité architecturale facilitent la reconversion. A Nantes et à Bordeaux, une partie de ces fronts portuaires fait aujourd'hui partie du secteur sauvegardé du centre-ville. L'architecture fonctionnelle n'est plus qu'un décor et les hôtels d'armateurs ont été standardisés en appartements. Les formes n'ont pas nécessité de réaménagement profond pour être mises en valeur. La ville a récupéré l'histoire du port et la beauté des bâtiments à son seul profit, mais elle a gommé leur spécificité portuaire et les a "banalisés". Le pittoresque et la population ont disparu. Les fronts portuaires sont devenus des quartiers comme les autres.
"Tout cet arrière-pays du port, clandestin, frôleur, secrètement grouillant, et d'où se dégageait une attirance vénéneuse, s'est aujourd'hui métamorphosé. (...) Du quai, on voit tomber, sur les ruelles pentues qui le desservent par l'arrière, un grand jour aseptique qui met en fuite les fantômes, et restitue l'arrière-pays de la Fosse à toute la banalité des quartiers rénovés. (...) Même la rue la plus chaude, la rue des Trois-Mâtelots, qui portait un si joli nom de vieille chanson paillarde, a été débaptisée, en manière, je pense, de conjuration [19]".
Mais, ces fronts portuaires conservent tout de même des traces de leur ancienne vocation. Des commerces sont toujours là pour nous signaler la présence des quais : accastillage, restaurants, bars. A Bordeaux, ils abritent encore une population modeste et cosmopolite. A Nantes, une partie du quai de la Fosse reste encore marquée par le port (Siège du Port Autonome, sociétés portuaires). Mais les héritages les plus durables résident dans les légendes et la réputation de ces quartiers. Ils sont encore fréquentés la nuit et réputés chauds. Des histoires et des anecdotes de marins à leur sujet marquent toujours l'imaginaire des citadins.
> Les friches portuaires, pour la plupart, souffrent d'une image extrêmement négative qui pèse sur une réappropriation des lieux (notamment par les investisseurs). De plus, les superficies empêchent ou limitent le plus souvent une reconquête spontanée qui n'est souvent pas à l'échelle des collectivités locales concernées. Les friches ne sont pas pour autant toutes laissées à l'abandon. L'absence de perspective de réutilisation conduit à des usages plus ou moins sauvages ou précaires, qui accueillent, de manière provisoire, diverses activités. Certains bâtiments s'y prêtent plus que d'autres (hangars, terrains vagues). Mais ces utilisations ne constituent pas des reconversions. On profite des surfaces offertes, sans engager de véritables travaux pour les adapter à leur nouvelle fonction. Les volumes importants sont difficiles à occuper ainsi on y trouve essentiellement des activités demandant de l'espace (parking, stockage, entrepôt vente...), qui sont attirées par le faible coût des terrains.
- L'une des premières utilisations, a été le stationnement automobile, généralement sauvage, qui trouvent là un terrain propice, de vastes étendues non loin des centres-villes saturés et payants (cf. fig n°8). Cette occupation accentue encore plus le caractère anarchique de ces espaces. Face à ce phénomène, les villes ont essayé de réglementer : marquage au sol (quai Fernand Crouan), gabions à Bordeaux (paquets de pavés grillagés interdisant l'accès aux voitures). Elles ont même à leur tour créé des parcs de stationnement payants : Les terrasses des hangars n°5 et 7, le hangar n°3 souterrain, le parking "Bourse - hangar 5" de 195 places à Bordeaux.
L'automobile s'est aussi approprié ces espaces à travers la construction de routes. Durant les années 1960 et 1970, des voies rapides pouvant desservir les centres-villes, ont été construites le long des berges. Ce phénomène fait perdurer la coupure avec le fleuve, ces routes représentant des barrières difficiles à franchir pour les piétons. A Bordeaux, les voies routières longeant les quais, concentrent l'essentiel du trafic Nord-Sud de l'agglomération, avec un intense trafic d'environ 100.000 véhicules/jour (cf. fig. n°23). A Nantes aussi, ces routes et ces parkings font des quais une marge destinée à la seule voiture. Cette circulation pose de lourdes contraintes. Ces créations sont aujourd'hui rejetées, mais le trafic existant ne peut être supprimé ou dévié, il faut donc composer avec et prévoir des accès pour rétablir le contact des quais avec le tissu urbain.
- Beaucoup de hangars, du fait de leur localisation, de l'espace disponible et des possibilités de stationnement, sont le cadre de manifestations diverses. A Bordeaux : expositions (hangar n°16), concerts (hangar n°5 capacité de 800 personnes), salons (du mariage, des antiquaires), événements (obsèques de F. MITTERRAND retransmises devant 1300 personnes au hangar n°15), etc (cf. fig n°25). Le hangar n°5 est celui qui en abrite le plus du fait de sa surface et de sa situation centrale en face de la Place de la Bourse. A Nantes, l'ancien A.P. 3 avait servi de théâtre et l'ancienne usine à engrais, quai André Rhuys, de salle de spectacle pour le festival des Allumés.
Figure n°24 : A Nantes, le festival des Allumés occupant les friches
D'autres hangars abritent des activités plus permanentes. A Bordeaux, Le hangar n°7 est occupé par une grande discothèque (Caesar's). Les hangars des bassins à flot, situés dans un quartier industriel éloigné du centre, sont divisés et loués par le Port Autonome, à des artisans, des commerçants, des industriels ou des collectivités (cf. fig n°26). De nombreuses petites entreprises y trouvent des locaux pratiques et peu chers.
Figure n°25 : Schéma des quais de la rive gauche à Bordeaux et utilisation des hangars
Figure n°26 : Les activités occupant le hangar n°27 du bassin à flot n°2 à Bordeaux
A Nantes, les hangars du quai des Antilles abritent un pôle nautique tourné vers la plaisance, composé de nombreuses petites sociétés qui proposent des équipements et des services (accastillage, vente de bateaux, stages, locations, réparations...). Ce pôle veut toucher le grand nombre de propriétaires de bateaux résidant à Nantes. Sur le quai de la Fosse, les hangars n°6 et 7 abritent des magasins qui peuvent y exposer leur marchandise. Des banques alimentaires occupent l'entrepôt des docks du bassin à flot n°1 et le hangar n°12 du quai d'Aiguillon.
Mais les hangars qui sont occupés appartiennent généralement au Port Autonome ou à la C.C.I. qui les louent, en attendant d'être fixé sur leur sort. Les activités présentes sont censées être provisoires, leur bail de location est précaire et révocable. Seulement, il semble que les responsables portuaires et urbains soient désemparés et longs à réagir face à un problème de réaménagement d'une telle ampleur, ce qui prolonge l'état de friches pour une durée indéterminée, et donne à ces occupations un caractère plus permanent qu'il ne devrait l'être.
1.3.2.2. Permanences portuaires et industrielles
Outre ces occupations, les espaces délaissés ne représentent pas un vaste désert parsemé de friches. L'abandon n'est pas uniforme ni exclusif. Même si le port s'est délocalisé, il n'est pas complètement parti. Les espaces sont généralement encore sous sa gestion. Ainsi, il essaie de les utiliser dans la mesure du possible, sans pour autant investir beaucoup puisqu'ils restent marginaux par rapport à l'aval. Ainsi à Nantes et à Bordeaux, on retrouve quelques activités qui s'accommodent d'une profondeur réduite et quelques sites toujours entretenus. Le départ du port et les évolutions économiques n'ont pas entraîné non plus la disparition de toutes les industries. Certaines sont restées même quand le port a migré. Elles se sont adaptées, diversifiées, ont organisé de nouvelles logistiques de transport, et parfois même font perdurer un trafic portuaire.
> Le port
- Navires de guerre et vieux gréements : Ils n'ont aucun mal à remonter le fleuve car leur tirant d'eau est généralement minime. Leur présence est marginale mais elle permet une utilisation des quais et un rappel visuel du monde maritime en pleine ville. A Nantes, le Maillé-Brezé, et à Bordeaux, le Colbert sont des bâtiments militaires transformés en musée flottant et qui reçoivent des dizaines de milliers de visiteurs par an. De plus, de nombreux bâtiments font escale tout au long de l'année (Courbet, Loire, Ceres...), et leurs visites permettent à chaque fois aux habitants de revenir sur les quais. A Nantes, le Belem vient régulièrement accoster quai d'Aiguillon depuis 1985. Ce trois-mâts barque, construit en 1896 à Chantenay, représente un symbole de l'histoire navale nantaise. A Nantes, son centenaire a été l'occasion d'une fête réunissant de nombreux vieux gréements, ce qui a permis aux Nantais de fréquenter le fleuve, même si l'ambiance était à la nostalgie. Le Port Autonome y a participé en installant des pontons et en réalisant quelques dragages.
- Croisières : Les paquebots ne sont pas une nouveauté dans les ports, mais aujourd'hui ils n'ont plus exclusivement une fonction de transport mais plutôt de loisirs et de tourisme. L'essor du marché a encore peu touché l'Europe, mais déjà l'activité semble prometteuse. Elle permet de réinvestir d'anciens quais et certains y voient un moyen de renouveau portuaire. Les paquebots perpétuent la tradition des grands transatlantiques d'autrefois et ils sont un bon moyen pour réconcilier les habitants avec leur port.
A Bordeaux, une portion de quai les accueille devant la Place de la Bourse pendant la saison (d'avril à octobre). Elle bénéficie de bonnes profondeurs avec peu d'entretien, grâce à un autocurage du fleuve. Très tôt, Bordeaux a su profiter de ce trafic. Les tirants d'eau requis pour les bateaux de croisière (environ 6 à 7 mètres) sont compatibles avec le site de fond d'estuaire (le plus gros paquebot remontant jusqu'à Bordeaux, le Norwegian Crown, a un tirant d'eau de 7,26 mètres). L'activité est peu polluante et ne requiert pas beaucoup d'infrastructures. La façade majestueuse des quais et de la Bourse offre un décor grandiose d'escale, de plus la région est touristique, avec notamment un vignoble de renommée internationale. Cette activité est encouragée par l'association "Bordeaux, a port of call", qui est un groupe de travail créé en 1989 pour développer les escales. Ce groupe comprend la C.C.I., le P.A.B., la ville, l'office du tourisme, les conseils régionaux et généraux ainsi que des professionnels. Les retombées économiques sont minimes pour le port (car il consent des tarifs très attractifs) mais les croisières permettent de le faire connaître à l'étranger et de renouer le contact avec les Bordelais. De plus, elles sont prometteuses pour la région dont l'image est valorisée et pour son économie sachant qu'à terre, un croisiériste dépense, en moyenne, près de 1.000 francs par jour.
Mais les hangars qui sont occupés appartiennent généralement au Port Autonome ou à la C.C.I. qui les louent, en attendant d'être fixé sur leur sort. Les activités présentes sont censées être provisoires, leur bail de location est précaire et révocable. Seulement, il semble que les responsables portuaires et urbains soient désemparés et longs à réagir face à un problème de réaménagement d'une telle ampleur, ce qui prolonge l'état de friches pour une durée indéterminée, et donne à ces occupations un caractère plus permanent qu'il ne devrait l'être.
1.3.2.2. Permanences portuaires et industrielles
Outre ces occupations, les espaces délaissés ne représentent pas un vaste désert parsemé de friches. L'abandon n'est pas uniforme ni exclusif. Même si le port s'est délocalisé, il n'est pas complètement parti. Les espaces sont généralement encore sous sa gestion. Ainsi, il essaie de les utiliser dans la mesure du possible, sans pour autant investir beaucoup puisqu'ils restent marginaux par rapport à l'aval. Ainsi à Nantes et à Bordeaux, on retrouve quelques activités qui s'accommodent d'une profondeur réduite et quelques sites toujours entretenus. Le départ du port et les évolutions économiques n'ont pas entraîné non plus la disparition de toutes les industries. Certaines sont restées même quand le port a migré. Elles se sont adaptées, diversifiées, ont organisé de nouvelles logistiques de transport, et parfois même font perdurer un trafic portuaire.
> Le port
- Navires de guerre et vieux gréements : Ils n'ont aucun mal à remonter le fleuve car leur tirant d'eau est généralement minime. Leur présence est marginale mais elle permet une utilisation des quais et un rappel visuel du monde maritime en pleine ville. A Nantes, le Maillé-Brezé, et à Bordeaux, le Colbert sont des bâtiments militaires transformés en musée flottant et qui reçoivent des dizaines de milliers de visiteurs par an. De plus, de nombreux bâtiments font escale tout au long de l'année (Courbet, Loire, Ceres...), et leurs visites permettent à chaque fois aux habitants de revenir sur les quais. A Nantes, le Belem vient régulièrement accoster quai d'Aiguillon depuis 1985. Ce trois-mâts barque, construit en 1896 à Chantenay, représente un symbole de l'histoire navale nantaise. A Nantes, son centenaire a été l'occasion d'une fête réunissant de nombreux vieux gréements, ce qui a permis aux Nantais de fréquenter le fleuve, même si l'ambiance était à la nostalgie. Le Port Autonome y a participé en installant des pontons et en réalisant quelques dragages.
- Croisières : Les paquebots ne sont pas une nouveauté dans les ports, mais aujourd'hui ils n'ont plus exclusivement une fonction de transport mais plutôt de loisirs et de tourisme. L'essor du marché a encore peu touché l'Europe, mais déjà l'activité semble prometteuse. Elle permet de réinvestir d'anciens quais et certains y voient un moyen de renouveau portuaire. Les paquebots perpétuent la tradition des grands transatlantiques d'autrefois et ils sont un bon moyen pour réconcilier les habitants avec leur port.
A Bordeaux, une portion de quai les accueille devant la Place de la Bourse pendant la saison (d'avril à octobre). Elle bénéficie de bonnes profondeurs avec peu d'entretien, grâce à un autocurage du fleuve. Très tôt, Bordeaux a su profiter de ce trafic. Les tirants d'eau requis pour les bateaux de croisière (environ 6 à 7 mètres) sont compatibles avec le site de fond d'estuaire (le plus gros paquebot remontant jusqu'à Bordeaux, le Norwegian Crown, a un tirant d'eau de 7,26 mètres). L'activité est peu polluante et ne requiert pas beaucoup d'infrastructures. La façade majestueuse des quais et de la Bourse offre un décor grandiose d'escale, de plus la région est touristique, avec notamment un vignoble de renommée internationale. Cette activité est encouragée par l'association "Bordeaux, a port of call", qui est un groupe de travail créé en 1989 pour développer les escales. Ce groupe comprend la C.C.I., le P.A.B., la ville, l'office du tourisme, les conseils régionaux et généraux ainsi que des professionnels. Les retombées économiques sont minimes pour le port (car il consent des tarifs très attractifs) mais les croisières permettent de le faire connaître à l'étranger et de renouer le contact avec les Bordelais. De plus, elles sont prometteuses pour la région dont l'image est valorisée et pour son économie sachant qu'à terre, un croisiériste dépense, en moyenne, près de 1.000 francs par jour.
Figure n°27 : Escale d'un paquebot devant la Place de la Bourse à Bordeaux
Figure n°28 : L'activité de croisières dans le centre de Bordeaux
Mais cette activité peut aussi poser des contraintes. Le port voulant garder son accès au fleuve, la question d'un nouveau pont urbain, reliant les deux rives, devient épineuse. Si le tirant d'air devient trop faible, l'activité devra se déplacer un peu en aval, ce qui enlèverait le cachet des escales en plein centre-ville et nécessiterait des travaux de dragage, les quais disposant alors d'une profondeur moindre.
Contrairement à Bordeaux, seuls quatre paquebots ont fait escale à Nantes en 1995. La région pourrait en attirer plus, mais les croisiéristes sont plus attirés par les ports qui permettent de faire relâche au coeur des villes historiques comme Bordeaux. A Nantes, les navires accostent Quai Wilson et les plus petits, quai d'Aiguillon. Les façades du quai de la Fosse offrent certes un beau paysage, mais de l'autre côté le terrain vague des anciens chantiers navals casse l'image de la ville. Il faudra attendre le réaménagement de la Prairie-au-Duc pour que les paquebots puissent faire escale dans un cadre plus attrayant. Jean-Marc AYRAULT s'est déclaré «favorable à l'implantation d'une gare maritime à la pointe des Antilles pour la réception des paquebots[20]».
- Les sites actifs : A Nantes, l'activité perdure (environ 2,5 M.T.) en aval de la ville, sur le quai de Roche-Maurice (terminal céréalier) et sur les deux terminaux pour produits forestiers de Cheviré. Au coeur de la ville, non loin des friches portuaires, le quai Wilson (quai à diverses amont) possède des installations pour les agrumes, les produits de la chaîne du froid et la ferraille, avec des profondeurs de 6 à 9 mètres. En arrière, 20 hectares d'industries sont toujours actives et le hangar n°24 est toujours utilisé pour les primeurs. Certains veulent voir partir l'activité sur ce quai, mais les études prévoient que les trafics actuels se maintiendront pendant au moins une quinzaine d'années. La politique du port est de continuer à desservir ses clients, de maintenir les quais dans un état satisfaisant, et d'y concentrer à l'avenir un trafic noble axé autour du sucre, des paquebots et de l'industrie de la plaisance.
A Bordeaux, les sites actifs sont nettement moins nombreux. Il reste un petit trafic rive gauche, au niveau de l'entrée des bassins à flot. A côté, les Ateliers généraux du Port Autonome effectuent des réparations. Sur la rive droite, 309 mètres du quai des Queyries sont toujours actifs, mais le trafic portuaire est faible (98.714 tonnes en 1994).
> Les industries
Les industries encore présentes dans les secteurs délaissés sont plus ou moins liées à l'activité portuaire (cf. fig n°6 et 7). Ces entreprises ont des activités nécessitant une présence portuaire (Beghin-Say), ou bien, elles se sont diversifiées vers d'autres secteurs moins liés au monde maritime (A.C.B.). Tous ces bâtiments industriels auraient pu et peuvent encore devenir des friches.
* A Bordeaux : Dans les secteurs autrefois desservis par le port, l'activité industrielle a sévèrement décliné. Dans le quartier de Bacalan et des bassins à flot, quelques petites entreprises, notamment de mécanique en rapport avec la réparation navale, subsistent parmi les friches. La rive droite a été largement abandonnée, surtout dans la partie en amont, où l'on ne trouve quasiment plus rien. Plus au nord, de grandes entreprises subsistent, grâce à la relative proximité des postes de Bassens-Amont (à trois kilomètres). Les grandes industries bordelaises toujours présentes parmi les friches sont :
-L'usine Lesieur/Céréol : Située près de l'entrée des bassins à flot, elle réceptionne des huiles alimentaires sur la rive gauche (27.779 tonnes d'huile d'arachide en 1993).
-Les Grands Moulins de Paris : Cette minoterie utilisait jusqu'en 1980, un poste quai des Queyries, relié par un convoyeur aérien. Maintenant les sacs de farine sont acheminés par semi-remorques plateaux jusqu'à Bassens.
-L'usine d'engrais de la Soferti (groupe Grande-Paroisse / Elf-Atochem) : Sur la rive droite, elle non plus n'utilise pas le quai des Queyries. Elle importe des phosphates naturels (43.300 tonnes en 1993), reçus au poste 414 de Bassens-amont, où un réseau de bandes transporteuses permet leur réexpédition vers trois cellules verticales, à partir desquelles ils sont acheminés par camion vers l'usine. Elle exporte aussi des engrais manufacturés (27.026 t en 1993).
* A Nantes : De nombreuses petites entreprises perdurent dans le quartier de la Prairie-au-Duc, elles sont généralement spécialisées dans la mécanique (ancienne présence des chantiers), le bâtiment et la distribution (proximité du centre-ville et de la gare de triage). La plupart des industries toujours actives se trouvent autour du quai Wilson et à Chantenay qui concentre encore des secteurs liés au port : entrepôts pétroliers, usines chimiques, mécanique et réparation navale (S.E.R.M.I., C.E.R.N.A.T.), entrepôts. A Nantes, les grandes industries toujours présentes parmi les friches sont :
- Leroux & Lotz : Grande entreprise, dont le siège social et les bureaux d'études sont à Chantenay. Elle est spécialisée dans la construction mécanique et la grosse chaudronnerie pour le secteur naval, la chimie, le nucléaire, la sidérurgie. 750 personnes y sont employées. En 1989, elle rachetait trois ateliers de préfabrication des anciens chantiers Dubigeon. L'A.P. 5, autrefois sur la Prairie-au-Duc, est toujours sur le site à Chantenay. Leroux & Lotz maintient une activité navale à Nantes, sa présence est donc remarquable.
- Les Acieries et Chantiers de Bretagne (filiale du groupe Alsthom) : Son activité de construction navale à pris fin en 1987, mais l'entreprise a gardé 10 hectares sur le site. Seules subsistent les activités comme la chaudronnerie et les constructions métalliques et mécaniques (pour la propulsion navale, les matériaux, le nucléaire, l'offshore et le domaine spatial). Elle emploie à ce jour 530 personnes, et a un chiffre d'affaires de 500 M.F. Son activité importante fait figure de symbole dans une ambiance de friches et dans un quartier longtemps marqué par l'histoire de la navale.
- Béghin-Say : Elle est implantée sur l'île Sainte-Anne, depuis 1935, date où elle a quitté Chantenay. Il s'agit de la dernière raffinerie de canne à sucre construite en France. Il en sort chaque année quelques 120.000 tonnes de sucre pour les besoins du marché intérieur. On y emploie 194 personnes sur 5 hectares et elle a un chiffre d'affaires de 650 M.F. Outre le sucre traditionnel, la raffinerie se démarque par ses spécialités de canne, issues de produits en provenance de l'Afrique et des Antilles : cette activité perpétue la tradition du commerce avec les îles. La matière première arrive toujours par bateau quai Wilson (environ un par mois). L'entreprise est en développement, elle dispose depuis 1991 d'un atelier de filtration sans équivalent au monde.
- Le Marché d'Intérêt National : Avec un chiffre d'affaires de plus de trois milliards de francs et ses 319.000 tonnes de fruits et légumes et 11.000 tonnes de produits de la mer qui y transitent chaque année, le M.I.N. de Nantes est devenu depuis son ouverture en 1969 le second M.I.N. après Rungis. Il regroupe 125 entreprises et 136 producteurs qui occupent un site de 20 hectares (7 ha loués à la S.N.C.F. et 13 ha à la ville) et sont porteurs de 1.238 emplois. Son avenir sur ce site est incertain, le contrat d'occupation qu'il a avec la ville prend fin en 2015.
> Les emprises ferroviaires
De grandes gares de triage se sont installées en rapport avec l'activité portuaire. Ces emprises sont notables car même si elles sont parfois encore actives, l'activité est souvent promise à déménager, ce qui laisserait vacant des superficies importantes. A Bordeaux, la plupart des voies en rive droite sont désertées, mais la S.N.C.F. exploite encore une plate-forme logistique rail-route de 12 ha dans le quartier de la Bastide. Celle-ci est aujourd'hui trop petite et sa localisation n'est plus adaptée. La décentralisation de ce pôle logistique est envisagée vers la gare de triage de Bègles-Hourcade qui doit être agrandie. A Nantes, la gare de triage de Chantenay (15 ha) reste active. Sur l'île Sainte-Anne, la gare de fret s'étend sur 35 ha. La S.N.C.F. a arrêté ses investissements, et pourrait déménager dans les dix ans, car le trafic est faiblement lié aux clients locaux. En attendant, environ 250.000 tonnes de marchandises y transitent par an.
Ces permanences sont à prendre en compte parce qu'elles génèrent des emplois, de l'activité, mais aussi des nuisances. Leur existence peut poser des contraintes, car il est difficile de réaménager un espace, notamment dans une optique urbaine, tout en cohabitant avec des activités portuaires et industrielles toujours existantes. Beaucoup de ces activités n'ont pas l'intention de déménager et ont même tendance à se développer. Leur présence peut orienter le réaménagement. Ainsi certaines zones relativement délaissées sont destinées à connaître un développement des implantations industrielles (Chantenay), ce qui reste possible s'il reste des sites portuaires actifs peu éloignés. Dans d'autres cas, leur présence peut poser des problèmes de cohabitation avec le développement des habitations (île Sainte-Anne). Des solutions sont à trouver. Béghin-Say, à Nantes, a récemment réhabilité sa façade extérieure. «Compte tenu du développement futur de l'île Sainte-Anne, nous nous devions de faire quelque chose pour nous intégrer au mieux dans le paysage[21]» souligne le directeur P. CARBONNEL. Des efforts doivent donc être fait, notamment du côté des projets de réaménagement qui oublient trop souvent la vocation première de ces espaces et leurs permanences industrielles et portuaires.
Contrairement à Bordeaux, seuls quatre paquebots ont fait escale à Nantes en 1995. La région pourrait en attirer plus, mais les croisiéristes sont plus attirés par les ports qui permettent de faire relâche au coeur des villes historiques comme Bordeaux. A Nantes, les navires accostent Quai Wilson et les plus petits, quai d'Aiguillon. Les façades du quai de la Fosse offrent certes un beau paysage, mais de l'autre côté le terrain vague des anciens chantiers navals casse l'image de la ville. Il faudra attendre le réaménagement de la Prairie-au-Duc pour que les paquebots puissent faire escale dans un cadre plus attrayant. Jean-Marc AYRAULT s'est déclaré «favorable à l'implantation d'une gare maritime à la pointe des Antilles pour la réception des paquebots[20]».
- Les sites actifs : A Nantes, l'activité perdure (environ 2,5 M.T.) en aval de la ville, sur le quai de Roche-Maurice (terminal céréalier) et sur les deux terminaux pour produits forestiers de Cheviré. Au coeur de la ville, non loin des friches portuaires, le quai Wilson (quai à diverses amont) possède des installations pour les agrumes, les produits de la chaîne du froid et la ferraille, avec des profondeurs de 6 à 9 mètres. En arrière, 20 hectares d'industries sont toujours actives et le hangar n°24 est toujours utilisé pour les primeurs. Certains veulent voir partir l'activité sur ce quai, mais les études prévoient que les trafics actuels se maintiendront pendant au moins une quinzaine d'années. La politique du port est de continuer à desservir ses clients, de maintenir les quais dans un état satisfaisant, et d'y concentrer à l'avenir un trafic noble axé autour du sucre, des paquebots et de l'industrie de la plaisance.
A Bordeaux, les sites actifs sont nettement moins nombreux. Il reste un petit trafic rive gauche, au niveau de l'entrée des bassins à flot. A côté, les Ateliers généraux du Port Autonome effectuent des réparations. Sur la rive droite, 309 mètres du quai des Queyries sont toujours actifs, mais le trafic portuaire est faible (98.714 tonnes en 1994).
> Les industries
Les industries encore présentes dans les secteurs délaissés sont plus ou moins liées à l'activité portuaire (cf. fig n°6 et 7). Ces entreprises ont des activités nécessitant une présence portuaire (Beghin-Say), ou bien, elles se sont diversifiées vers d'autres secteurs moins liés au monde maritime (A.C.B.). Tous ces bâtiments industriels auraient pu et peuvent encore devenir des friches.
* A Bordeaux : Dans les secteurs autrefois desservis par le port, l'activité industrielle a sévèrement décliné. Dans le quartier de Bacalan et des bassins à flot, quelques petites entreprises, notamment de mécanique en rapport avec la réparation navale, subsistent parmi les friches. La rive droite a été largement abandonnée, surtout dans la partie en amont, où l'on ne trouve quasiment plus rien. Plus au nord, de grandes entreprises subsistent, grâce à la relative proximité des postes de Bassens-Amont (à trois kilomètres). Les grandes industries bordelaises toujours présentes parmi les friches sont :
-L'usine Lesieur/Céréol : Située près de l'entrée des bassins à flot, elle réceptionne des huiles alimentaires sur la rive gauche (27.779 tonnes d'huile d'arachide en 1993).
-Les Grands Moulins de Paris : Cette minoterie utilisait jusqu'en 1980, un poste quai des Queyries, relié par un convoyeur aérien. Maintenant les sacs de farine sont acheminés par semi-remorques plateaux jusqu'à Bassens.
-L'usine d'engrais de la Soferti (groupe Grande-Paroisse / Elf-Atochem) : Sur la rive droite, elle non plus n'utilise pas le quai des Queyries. Elle importe des phosphates naturels (43.300 tonnes en 1993), reçus au poste 414 de Bassens-amont, où un réseau de bandes transporteuses permet leur réexpédition vers trois cellules verticales, à partir desquelles ils sont acheminés par camion vers l'usine. Elle exporte aussi des engrais manufacturés (27.026 t en 1993).
* A Nantes : De nombreuses petites entreprises perdurent dans le quartier de la Prairie-au-Duc, elles sont généralement spécialisées dans la mécanique (ancienne présence des chantiers), le bâtiment et la distribution (proximité du centre-ville et de la gare de triage). La plupart des industries toujours actives se trouvent autour du quai Wilson et à Chantenay qui concentre encore des secteurs liés au port : entrepôts pétroliers, usines chimiques, mécanique et réparation navale (S.E.R.M.I., C.E.R.N.A.T.), entrepôts. A Nantes, les grandes industries toujours présentes parmi les friches sont :
- Leroux & Lotz : Grande entreprise, dont le siège social et les bureaux d'études sont à Chantenay. Elle est spécialisée dans la construction mécanique et la grosse chaudronnerie pour le secteur naval, la chimie, le nucléaire, la sidérurgie. 750 personnes y sont employées. En 1989, elle rachetait trois ateliers de préfabrication des anciens chantiers Dubigeon. L'A.P. 5, autrefois sur la Prairie-au-Duc, est toujours sur le site à Chantenay. Leroux & Lotz maintient une activité navale à Nantes, sa présence est donc remarquable.
- Les Acieries et Chantiers de Bretagne (filiale du groupe Alsthom) : Son activité de construction navale à pris fin en 1987, mais l'entreprise a gardé 10 hectares sur le site. Seules subsistent les activités comme la chaudronnerie et les constructions métalliques et mécaniques (pour la propulsion navale, les matériaux, le nucléaire, l'offshore et le domaine spatial). Elle emploie à ce jour 530 personnes, et a un chiffre d'affaires de 500 M.F. Son activité importante fait figure de symbole dans une ambiance de friches et dans un quartier longtemps marqué par l'histoire de la navale.
- Béghin-Say : Elle est implantée sur l'île Sainte-Anne, depuis 1935, date où elle a quitté Chantenay. Il s'agit de la dernière raffinerie de canne à sucre construite en France. Il en sort chaque année quelques 120.000 tonnes de sucre pour les besoins du marché intérieur. On y emploie 194 personnes sur 5 hectares et elle a un chiffre d'affaires de 650 M.F. Outre le sucre traditionnel, la raffinerie se démarque par ses spécialités de canne, issues de produits en provenance de l'Afrique et des Antilles : cette activité perpétue la tradition du commerce avec les îles. La matière première arrive toujours par bateau quai Wilson (environ un par mois). L'entreprise est en développement, elle dispose depuis 1991 d'un atelier de filtration sans équivalent au monde.
- Le Marché d'Intérêt National : Avec un chiffre d'affaires de plus de trois milliards de francs et ses 319.000 tonnes de fruits et légumes et 11.000 tonnes de produits de la mer qui y transitent chaque année, le M.I.N. de Nantes est devenu depuis son ouverture en 1969 le second M.I.N. après Rungis. Il regroupe 125 entreprises et 136 producteurs qui occupent un site de 20 hectares (7 ha loués à la S.N.C.F. et 13 ha à la ville) et sont porteurs de 1.238 emplois. Son avenir sur ce site est incertain, le contrat d'occupation qu'il a avec la ville prend fin en 2015.
> Les emprises ferroviaires
De grandes gares de triage se sont installées en rapport avec l'activité portuaire. Ces emprises sont notables car même si elles sont parfois encore actives, l'activité est souvent promise à déménager, ce qui laisserait vacant des superficies importantes. A Bordeaux, la plupart des voies en rive droite sont désertées, mais la S.N.C.F. exploite encore une plate-forme logistique rail-route de 12 ha dans le quartier de la Bastide. Celle-ci est aujourd'hui trop petite et sa localisation n'est plus adaptée. La décentralisation de ce pôle logistique est envisagée vers la gare de triage de Bègles-Hourcade qui doit être agrandie. A Nantes, la gare de triage de Chantenay (15 ha) reste active. Sur l'île Sainte-Anne, la gare de fret s'étend sur 35 ha. La S.N.C.F. a arrêté ses investissements, et pourrait déménager dans les dix ans, car le trafic est faiblement lié aux clients locaux. En attendant, environ 250.000 tonnes de marchandises y transitent par an.
Ces permanences sont à prendre en compte parce qu'elles génèrent des emplois, de l'activité, mais aussi des nuisances. Leur existence peut poser des contraintes, car il est difficile de réaménager un espace, notamment dans une optique urbaine, tout en cohabitant avec des activités portuaires et industrielles toujours existantes. Beaucoup de ces activités n'ont pas l'intention de déménager et ont même tendance à se développer. Leur présence peut orienter le réaménagement. Ainsi certaines zones relativement délaissées sont destinées à connaître un développement des implantations industrielles (Chantenay), ce qui reste possible s'il reste des sites portuaires actifs peu éloignés. Dans d'autres cas, leur présence peut poser des problèmes de cohabitation avec le développement des habitations (île Sainte-Anne). Des solutions sont à trouver. Béghin-Say, à Nantes, a récemment réhabilité sa façade extérieure. «Compte tenu du développement futur de l'île Sainte-Anne, nous nous devions de faire quelque chose pour nous intégrer au mieux dans le paysage[21]» souligne le directeur P. CARBONNEL. Des efforts doivent donc être fait, notamment du côté des projets de réaménagement qui oublient trop souvent la vocation première de ces espaces et leurs permanences industrielles et portuaires.
Conclusion de la première partie
L'évolution spécifique de l'interface ville / port a engendré des phénomènes particuliers. Cette première partie a permis de faire un état des lieux des éléments et des situations en présence. Aujourd'hui cet espace apparaît comme anarchique, son manque d'organisation en fait un territoire à reconquérir, son état actuel a donc un caractère transitoire.
L'espace en friche apparaît comme "anachronique" pour la ville, car il n'a pas eu une évolution urbaine classique, et pour le port, car il y trouve des éléments désuets et en décalage par rapport à ses exigences actuelles. Le désintérêt et le délaissement ont figé cet espace alors que les acteurs évoluaient rapidement.
Aujourd'hui, une telle vacuité et inutilité ne sont pas admissibles, il apparait nécessaire d'y réintroduire des fonctions et une organisation. La difficulté est de retrouver une unité et d'intégrer la spécificité des friches, leur décalage avec les systèmes urbains et portuaires.
Les friches sont appelées à disparaître. Dans beaucoup de cas, elles sont promises à une destruction. Mais le système passé à fortement marqué les territoires et les "héritages" sont nombreux. Ils sont physiques certes, mais aussi mentaux, fonciers... Cet espace demande à être mis en valeur, mais son importance et son histoire recquièrent un réaménagement spécifique et complexe.
L'espace en friche apparaît comme "anachronique" pour la ville, car il n'a pas eu une évolution urbaine classique, et pour le port, car il y trouve des éléments désuets et en décalage par rapport à ses exigences actuelles. Le désintérêt et le délaissement ont figé cet espace alors que les acteurs évoluaient rapidement.
Aujourd'hui, une telle vacuité et inutilité ne sont pas admissibles, il apparait nécessaire d'y réintroduire des fonctions et une organisation. La difficulté est de retrouver une unité et d'intégrer la spécificité des friches, leur décalage avec les systèmes urbains et portuaires.
Les friches sont appelées à disparaître. Dans beaucoup de cas, elles sont promises à une destruction. Mais le système passé à fortement marqué les territoires et les "héritages" sont nombreux. Ils sont physiques certes, mais aussi mentaux, fonciers... Cet espace demande à être mis en valeur, mais son importance et son histoire recquièrent un réaménagement spécifique et complexe.
[14] BOURG, L (1994) Friches; éd. Cadex; 54 p.
[15] GRACQ, J (1985) La forme d'une ville; éd. José Corti, 213 p.
[16] GRACQ, J (1985) La forme d'une ville; éd. José Corti, 213 p.
[17] GRACQ, J (1985) La forme d'une ville; éd. José Corti, 213 p.
[18] VIGARIE, A (1990) "Les fronts portuaires français : un problème régional ou international ?" in Les Cahiers Scientifiques du Transport n°21; p:117-132
[19] GRACQ, J (1985) La forme d'une ville; éd. José Corti, 213 p.
[20] Dans une lettre du 27 avril 1995
[21] Presse-Océan du 17 nov. 1995
[15] GRACQ, J (1985) La forme d'une ville; éd. José Corti, 213 p.
[16] GRACQ, J (1985) La forme d'une ville; éd. José Corti, 213 p.
[17] GRACQ, J (1985) La forme d'une ville; éd. José Corti, 213 p.
[18] VIGARIE, A (1990) "Les fronts portuaires français : un problème régional ou international ?" in Les Cahiers Scientifiques du Transport n°21; p:117-132
[19] GRACQ, J (1985) La forme d'une ville; éd. José Corti, 213 p.
[20] Dans une lettre du 27 avril 1995
[21] Presse-Océan du 17 nov. 1995